vendredi, février 02, 2007

N°216 - Journal de Palestine -Special dossier-02-02

Les brèves
2-1 Réunion du Quartet sur le conflit israélo-palestinien.

2-2 La Palestine est effacée, la Cisjordanie grignotée.

3 Dossier
3-1 Edito de Kol Shalom : La nomination d’un ministre arabe et musulman : un acte symbolique important.

3-2 Point de vue de Al-Nassira : La direction israélienne menacée d’effondrement après la démission de Haloutz et les problèmes juridiques d’Olmert.
4 Courrier des lecteurs & trouvé sur le net

4-1 Transmis par Marc Prunier : Intervention de Jean Claude Lefort député du PCF.

4-2 Le Royaume de Belgique doit reconnaître l'Etat de Palestine.

5 Annexe
5-1 De l’Ap : Chronologie des actions kamikazes en Israël depuis septembre 2000.

5-2 Alain Gresh : Deux États en Palestine, la longue marche de l’OLP (1969-1993).

5-3 Norbert Lipszyc Ressources et gestion de l’eau au Proche-Orient : un état des lieux.



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2 Les brèves

Ndlr : PS : La publication des articles ou analyse ne signifie nullement que la rédaction partage les analyses ou point de vue des auteurs, mais doit être vu comme information

Marc

2-1 Réunion du Quartet sur le conflit israélo-palestinien.

Le Quartet des médiateurs internationaux au Proche-Orient tiendra sans doute vendredi à Washington sa réunion la plus importante depuis qu’il a proposé en 2003 une "feuille de route" pour un règlement du conflit israélo-palestinien.

Réunis au plus haut niveau diplomatique, les quatre médiateurs - Etats-Unis, Russie, Union européenne et Nations unies - vont se pencher sur des propositions américaines pour relancer le processus de paix, dans l’impasse depuis le début de la seconde intifada, en septembre 2000.

"Pour la première fois depuis des années, les Etats-Unis ont pris une initiative très sérieuse pour s’attaquer aux questions politiques d’ensemble, grosso modo pour reprendre une à une les questions traitées par la feuille de route", juge le diplomate norvégien Terje Roed-Larsen.

Spécialiste des problèmes du Proche-Orient, envoyé spécial de l’Onu dans la région, ce dernier a joué un rôle clé dans les négociations secrètes qui ont abouti en 1993 aux accords d’Oslo et n’a cessé depuis de participer aux tractations diplomatiques pour trouver une solution pacifique dans la région.

"Une initiative américaine nouvelle, positive et constructive est en cours et je crois que le Quartet pèsera de tout son poids en sa faveur, à savoir s’attaquer à tous les problèmes et tous les réévaluer", confie-t-il à Reuters à la veille de la réunion de Washington.

Le diplomate norvégien convient que tous les sujets ne pourront être abordés à cette réunion, mais il estime que le Quartet a "le potentiel pour se transformer en ’pas de tir’".

"C’est pourquoi je pense que ce sera la réunion la plus importante du Quartet depuis sa création", ajoute Terje Roed-Larsen.

Ultérieurement suggère-t-il, Israéliens et Palestiniens se rencontreraient discrètement pour mettre tous le problèmes sur la table avec le soutien des Etats-Unis et des autres médiateurs

On ignore encore la teneur des propositions américaines, qui font suite à tournée effectuée à la mi-janvier au Proche-Orient par Condoleezza Rice.

Rice, qui en était à sa huitième dans la région en moins de deux ans, a seulement annoncé son intention de réunir à a mi-février Ehud Olmert et le président palestinien Mahmoud Abbas.

"Pour nous, il est excellent de voir les Etats-Unis pleinement engagés", relève Benita Ferrero-Waldner, commissaire européenne chargée des Relations extérieures, évoquant pareillement une réunion "tout à fait cruciale".

"Ce qui me paraît essentiel, c’est qu’il y ait un accord politique convaincant, et pour cela, nous devons lancer les discussions sur les sujets liés au statut final", ajoute-t-elle. "Si elles sont toujours repoussées à un stade ultérieur, il est difficile de maintenir confiance et engagement du côté palestinien."

L’ambassadeur d’Egypte à Washington, Nabil Fahmi, se dit encouragé par l’engagement accru des Etats-Unis au Proche-Orient et estime vital que Washington joue un rôle directeur dans les efforts de règlement.

Il exprime l’espoir que le Quartet donnera une nouvelle impulsion aux discussions sur le "statut final", à savoir les questions de fond comme les frontières définitives d’Israël et du futur Etat palestinien, le sort de Jérusalem et le problème réfugiés palestiniens des guerres de 1948 et 1967.

"J’estime que le Quartet doit réaffirmer son engagement à rechercher un règlement définitif. Cela redonnerait de la vigueur au processus de paix et mobiliserait vraiment les forces de paix dans les deux camps", confie-t-il à Reuters.

Roed-Larsen souligne pour sa part que sortir la question israélo-palestinienne de l’impasse ne réglera pas en soit les problèmes en Irak ou au Liban.

Mais, martèle-t-il, "au moins les chances de ranimer le processus de paix au Proche-Orient sont-elles meilleures que celles d’avancer sur les questions relatives au Liban et à l’Irak".

http://www.aloufok.net



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2-2 La Palestine est effacée, la Cisjordanie grignotée.

Pendant que les dirigeants sionistes jouent à se faire peur et à transformer la guerre qu'ils fomentent contre l'Iran comme la prochaine guerre étasunienne, Olmert l'homme politique emblématique du sionisme dans sa dégénérescence inéluctable, corrompu, vénal, acceptant tous les dessous de table pour toute opération de dissipation de biens dits publics, Olmert le dirigeant d'une formation politique qui n'avait d'autre but que de faire échapper Sharon et ses fils des mains de la justice, donne son accord pour effacer encore un peu plus la Palestine.


La ligne de construction du mur d'annexion, que les Maîtres du monde font appeler Mur de sécurité par les médias aux ordres, va être déplacé pour englober encore plus de Cisjordanie. Les deux colonies de Nili et Naaleh représentant 1200 colons vont être incluses à l'entité créée en 1948 par le nouveau tracé qui s'enfonce de plus de 5 km à cet endroit à l'intérieur de la Cisjordanie et reliées aux colonies de Modin Ilit (Keriat Sefer) par une route réservées aux colons.


Ainsi plus de 17 000 palestiniens seront enclavés à l'intérieur de l'entité et les tortionnaires envisagent sur le papier de prévoir leur connexion au reste de la Cisjordanie non encore engloutie par deux
tunnels, voie de communication dédiée aux "cafards palestiniens". Un autre village de 2000 habitants sera entouré du mur sur trois côtés.L'édifice de 12 km de long d'annexion et de vol de terre pour les uns,
d'emprisonnement et de spoliation pour les vaincus militairement et non moralement va coûter 25 millions d'euros.
Convergence des Causes
1er février 2007



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3 Dossier

Ndlr : PS : La publication des articles ou analyse ne signifie nullement que la rédaction partage les analyses ou point de vue des auteurs, mais doit être vu comme information

3-1 Edito de Kol Shalom : La nomination d’un ministre arabe et musulman : un acte symbolique important.
Raleb Majadele a fait son entrée dans le gouvernement dirigé par Ehoud Olmert. La nomination de ce député arabe du parti travailliste comme ministre sans portefeuille a suscité de nombreuses réactions. Pour l’extrême droite, c’est inacceptable et contraire au caractère juif de l’Etat d’Israël. Considérant qu’un Arabe israélien ne pourra siéger que dans un gouvernement non sioniste, les élus des listes arabes représentées à la Knesset critiquent virulemment Raleb Majadele. D’autres voix s’élèvent également pour dénoncer cette nomination comme une manœuvre supplémentaire d’Amir Peretz pour gagner les suffrages des militants arabes du parti travailliste dans la lutte qui l’oppose aux prétendants à la présidence de ce parti.

Qu’en est-il en réalité ? Avant tout, il est nécessaire de relativiser cette nomination. En effet, nombreux sont ceux qui ont oublié que ce n’est pas la première fois qu’un citoyen arabe d’Israël siège au gouvernement. Dans un passé assez récent, Saleh Tarif occupait les mêmes attributions que Raleb Majadele sous l’autorité d’Ariel Sharon. Ce député travailliste issu de la communauté druze avait également siégé dans le gouvernement présidé par Shimon Pérès de 1995 à 1996 comme Vice-Ministre de l’intérieur. En revanche, il faut admettre que c’est bien la première fois qu’un député arabe musulman entre au gouvernement. Bientôt soixante ans après sa création, il était temps que cet acte soit enfin posé. Conformément à la Déclaration d’indépendance, la majorité juive de l’Etat d’Israël doit garantir aux citoyens arabes l’égalité des droits. Bien que formellement celle-ci soit assurée, tout le monde sait que dans un tas de domaines, on est bien loin du compte. Les Arabes d’Israël, formant 20% de la population israélienne, constituent un défi démocratique majeur pour les Juifs : ayant vécu des siècles en tant que groupe minoritaire, ils deviennent majoritaires et souverains dans un Etat qui comprend une minorité non juive. De plus, cette minorité arabe ne peut logiquement souscrire à l’idéal sioniste même si tout indique jusqu’à présent qu’elle n’a jamais fait office de cheval de Troie comme l’affirme avec outrance l’extrême droite israélienne. L’Etat d’Israël a donc l’obligation de faire en sorte que la population arabe d’Israël, qu’elle soit musulmane, chrétienne ou druze, puisse exercer tous les droits que la citoyenneté lui confère, au même titre que la majorité juive. A cet égard, la nomination de Raleb Majadele satisfait cette exigence démocratique.

C’est la raison pour laquelle il est légitime de l’accueillir favorablement même s’il s’agit essentiellement d’un symbole. Il ne supprimera pas du jour au lendemain les discriminations sociales et économiques que subissent les citoyens arabes d’Israël mais il doit leur permettre d’affirmer haut et fort qu’ils ont leur place dans la société israélienne au même titre que la majorité juive de ce pays.

L’équipe de Kol Shalom

mise en ligne : vendredi 2 février 2007

http://www.shalomarchav.be/article.php3?id_article=1371



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3-2 Point de vue de Al-Nassira : La direction israélienne menacée d’effondrement après la démission de Haloutz et les problèmes juridiques d’Olmert.
L’Entité sioniste vient d’entrer dans une nouvelle étape suite à la démission du chef d’état-major de son armée Dan Haloutz. Cette démission est venue quelques heures seulement après l’ouverture d’une enquête judiciaire avec le Premier ministre Olmert, accusé de corruption.
En effet, mardi dernier au soir, Haloutz a annoncé sa démission de son poste qu’il occupe depuis juin 2005, suite à son échec dans la gestion de la dernière guerre du Liban.
Notons que même le Président de l’Etat d’occupation est en danger, étant suspect dans plusieurs problèmes d’harcèlement sexuel et de corruption.
Le ministre israélien de la guerre Amir Peretz est aussi dans le collimateur de critiques pour sa mauvaise gestion de la même guerre du Liban, ainsi que pour ses échecs consécutifs sur le terrain d’affrontement avec la résistance palestinienne.
Une direction qui s’effondre
Tous ces développements participent précipitamment à l’effondrement de l’actuelle administration sioniste dans la crise la plus grave de son histoire. La crise est encore plus grave qu’elle n’en a l’air. En fait, aucun nom, ni au gouvernement ni à l’opposition, ne possède le poids nécessaire pour pouvoir assumer les responsabilités de l’Etat.
Parmi les rares noms qui viennent dans les discussions se trouve celui de Benyamin Netanyahou, membre du parti d’opposition Likoud. Il y a aussi celui d’Ehud Barak du parti travailliste. Cependant, leur mission s’est vouée à l’échec lorsqu’ils occupaient le poste de Premier ministre sur le terrain comme sur la scène politique. Ils ont le plus d’échecs électoraux amers derrière eux. Le choix reste très mince de trouver des candidats ou des compromis.
Olmert et la poursuite judiciaire
Le procureur général israélien a demandé à la police d’entamer une enquête judiciaire envers le Premier ministre Ehud Olmert, suspect dans plusieurs affaires de corruption concernant la privatisation de la banque Lioumi. En fait, il avait joué avec les conditions de l’offre de cette privatisation au profit de son ami Franc Loui qui voulait mettre la main sur la banque. Olmert a déjà reçu une notification de la police concernant ce sujet, le soir de mardi dernier, le 16 janvier 2007.
Notons que le conseiller juridique du gouvernement de l’occupation israélienne Menahem Mazout s’est écarté de cette affaire pour le fait que sa sœur, conseillère dans le ministère des finances, y était mouillée.

Jusqu’au cou
Le Premier ministre sioniste Olmert y est désormais mouillé jusqu’au cou. Le principal témoin contre lui dans l’affaire de ladite banque avait déjà reçu plusieurs menaces, contre sa vie et contre celle de sa famille.
L’enquête pourrait aller beaucoup plus loin. Olmert est, en effet, suspect dans différentes affaires d’abus de pouvoir servant les intérêts de ses proches. A titre d’exemple, il a nommé l’ancienne femme d’un de ses amis dans un poste qu’il avait créé pour elle sur mesures.
L’affaire ne s’arrête pas là. Il y a celle des offres publiques, estimées à plusieurs millions de shekels, données, sans respecter les conditions nécessaires, aux clients de l’avocat Ori Masser, l’ami d’Olmert, pendant son occupation du portefeuille de l’industrie et du commerce.
Al-Nassira – CPI
palestine-info.cc




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4 Courrier des lecteurs & trouvé sur le net

Ndlr : PS : La publication des articles ou analyse ne signifie nullement que la rédaction partage les analyses ou point de vue des auteurs, mais doit être vu comme information

4-1 Transmis par Marc Prunier : Intervention de Jean Claude Lefort député du PCF.

Ivry, le 31 janvier 2007

Monsieur Philippe Douste-Blazy

Ministre des Affaires étrangères

37, Quai d’Orsay

75007 Paris



Monsieur le Ministre,

Une fois encore Monsieur Ehud Olmert a décidé de modifier le tracé du mur de la honte, formellement condamné par la Cour de justice internationale et contrairement à la Feuille de route du Quartet, en englobant – 5 kilomètres au-delà de la ligne verte – deux nouveaux villages de 20.000 personnes afin de protéger les implantations et colonies israéliennes de Nili et Naaleh.


C’est insupportable. Comme est insupportable le silence coupable du Quartet et de notre pays.


Cette décision intervient alors que, d’une part, la situation dans la bande de Gaza est des plus sérieuse et que, d’autre part, le Quartet doit se réunir prochainement. Ce défit aux institutions internationales est aussi une provocation de plus à l’endroit des palestiniens. Il met délibérément de l’huile sur le feu dans cette région du monde, épicentre de la crise qui secoue et endeuille le Proche-orient.


Monsieur le Ministre, ce ne sont pas seulement des mots de ferme condamnation qu’il faut faire entendre et que nous attendons toujours. Il faut des actes. Il faut sanctionner cette politique. N’avez-vous pas, avec L’union européenne, estimé devoir sanctionner le peuple palestinien parce que celui-ci avait voté majoritairement Hamas en arguant du fait que ce mouvement devait reconnaître les accords internationaux ?


Ce deux poids, deux mesures n’est pas qu’une impression. C’est une réalité. Vous n’observez pas un comportement identique et parallèle quand il s’agit de la Palestine et d’Israël. L’un aurait tous les droits et l’autre tous les devoirs.


Comment voulez-vous que la situation se dénoue de la sorte tandis que Monsieur Olmert alimente tensions, mépris, injustices, rancœurs et hostilités par une oppression supplémentaire ?


Immédiatement nous devons condamner cet acte mais aussi prendre des mesures de rétorsion pour un respect des accords et de la Feuille de route.


Nous devons, à la prochaine réunion du Quartet, refuser la politique de Monsieur Bush et cesser de s’aligner sur elle s’agissant du Proche-Orient. Nous devons exiger et obtenir, en présence des parties concernées, la tenue rapide d’une Conférence internationale qui cette fois commence par la fin, c'est-à-dire un accord global sur les frontières de 1967, le statut de Jérusalem (dont le Président du CRIF lors d’une soirée récente a demandé à la France, devant vous et sans réaction de votre part, qu’elle soit reconnue « tout simplement » la capitale de l’Etat hébreu), une juste solution du problème des réfugiés.


La politique des petits pas, des accords intérimaires a échoué. Il faut une solution globale. La réunion du Quartet doit permettre l’un et l’autre : condamner et prendre des mesures contre les actes de M. Ehud Olmert et convoquer une Conférence internationale.


Dans l’attente expresse de ces décisions qui s’imposent,


Je vous prie de croire, Monsieur le Ministre, en l’assurance de mes salutations distinguées.


Jean-Claude Lefort

Député du Val-de-Marne



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4-2 Le Royaume de Belgique doit reconnaître l'Etat de Palestine.
Monsieur le Ministre des affaires étrangères,
La Belgique reconnaît l'Etat d'Israël depuis plus d'un demi-siècle, mais il faut malheureusement constater que ce n'est pas le cas pour laPalestine. Il est donc surprenant que la Belgique exige du gouvernement palestinien qu'il reconnaisse l'Etat d'Israël, alors que la Palestine n'est reconnue ni par la Belgique ni par Israël.

Pourtant l'occasion de reconnaître la Palestine s'est déjà présentée. En novembre 1988, Yasser Arafat a déclaré l'indépendance de la Palestine lors de la réunion du Conseil national palestinien (CNP) d'Alger et a reconnu l'Etat d'Israël dans les frontières de 1967. Plus de nonante pays profitèrent de cette occasion pour reconnaître la Palestine, mais le gouvernement belge de l'époque n'a rien fait.
De plus, lorsque la Belgique reconnaît un Etat, elle ne prend pas position sur son gouvernement.
Si le gouvernement belge désire avoir une politique étrangère cohérente, équilibrée, respectueuse et juste, il doit reconnaître immédiatement la Palestine et exiger d'Israël la reconnaissance de la Palestine, ainsi que la fin de la colonisation et l'annexion des territoires occupés.
http://www.petitiononline.com/nordine/petition.html

Sources Europalestine



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5 Annexes

Ndlr : PS : La publication des articles ou analyse ne signifie nullement que la rédaction partage les analyses ou point de vue des auteurs, mais doit être vu comme information

5-1 De l’Ap : Chronologie des actions kamikazes en Israël depuis septembre 2000.

Voici une chronologie des principales actions kamikazes depuis le début de la seconde Intifada fin septembre 2000 (les bilans ne prennent pas les kamikazes en compte):

2001

-1er juin: devant la discothèque "Delphinarium" à Tel Aviv, 21 morts

- 9 août: devant la pizzeria Sbarro à Jérusalem, 15 morts

- 1er décembre: sur le marché de la rue Ben Yehuda à Jérusalem, 11 morts

- 2 décembre: dans un bus à Haïfa, 15 morts

2002

- 2 mars: dans le quartier ultra-orthodoxe de Mea Shearim à Jérusalem, 11 morts

- 9 mars: dans le Moment Cafe à Jérusalem, 11 morts

- 20 mars: dans un bus près de Kfar Mousmous, 7 morts

- 27 mars: dans la salle de restaurant d'un hôtel à Netanya, 29 morts

- 31 mars: dans un restaurant de Haïfa, 15 morts

- 10 avril: dans un bus à Haïfa, huit morts

- 7 mai: dans une salle de billard à Rishon Letzion, près de Tel Aviv, 15 morts

- 5 juin: dans un bus près du passage de Megiddo (nord), 17 morts

- 18 juin: au passage de Patt (sud de Jérusalem), 19 morts

- 19 juin: carrefour de French Hill à Jérusalem, sept morts

- 4 août: dans un bus au passage de Meron (nord), huit morts

- 21 octobre: dans un bus au passage de Karkour (nord), 14 morts

- 21 novembre: dans un bus à Jérusalem, 11 morts

2003

- 5 janvier: dans le centre commercial Neve Shaanan à Tel Aviv, 23 morts

- 5 mars: dans un bus à Haïfa, 17 morts

- 18 mai: dans un bus dans le quartier de French Hill à Jérusalem, sept morts

- 11 juin: dans un bus sur la rue Jaffa à Jérusalem, 17 morts

- 19 août: dans un bus à Jérusalem, 23 morts

- 9 septembre: à un arrêt de bus près d'une base militaire à la sortie de Tel Aviv, huit soldats tués

- 9 septembre: devant le Cafe Hillel à Jérusalem, sept morts

- 4 octobre: dans le restaurant Maxim à Haïfa, 19 morts

2004

- 29 janvier: dans un bus de Jérusalem, 11 morts

- 14 mars: au port d'Ashod, 10 morts

- 31 août: dans des bus à Beersheba, 16 morts

2005

- 25 février: devant une discothèque de Tel Aviv, quatre morts

- 12 juillet: près d'un centre commercial de Nétanya, cinq morts

- 26 octobre : devant un stand de falafels à Hadera, cinq morts

- 5 décembre: à l'entrée d'un centre commercial de Nétanya, cinq morts

2006

- 17 avril: devant un restaurant d'un quartier de Tel Aviv, 11 morts

2007

29 janvier: dans une boulangerie de la station balnéraire d'Eilat, trois morts.

AP

ndlr : La Palestine en chiffre(Depuis le début de l'Intifada le 25 septembre 2000)

Civils & résistants tués : 5.210





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5-2 Alain Gresh : Deux États en Palestine, la longue marche de l’OLP (1969-1993).
Deux Etats côte à côte sur le territoire de la Palestine du mandat, telle semble être la solution acceptée, au moins en théorie, par la communauté internationale, y compris les Etats-Unis. Pourtant, un certain nombre de voix, très minoritaires, préconisent désormais la création d’un Etat unique dans lequel coexisteraient juifs, musulmans et chrétiens, ou un Etat binational. Cette idée avait été avancée par le Fatah dès 1969 dans des conditions que j’avais étudiée pour ma thèse, qui avait été publiée en 1983, L’OLP, histoire et stratégie (Spag-papyrus). Je reprends ci-dessous une partie de ce travail que j’ai actualisé.

Arabes ou Palestiniens ? C’est le 1er janvier 1969, pour le quatrième anniversaire du déclenchement de la lutte armée, que le Comité central du Fath, organisation créée par Yasser Arafat proclame que « le Mouvement de libération nationale palestinienne Fath ne lutte pas contre les Juifs en tant que communauté ethnique et religieuse. Il lutte contre Israël, expression d’une colonisation basée sur un système technocratique raciste et expansionniste, expression du sionisme et du colonialisme. » Et il ajoute que son objectif final « est la restauration de l’Etat palestinien indépendant et démocratique dont tous les citoyens, quelle que soit leur confession, jouiront de droits égaux (1). » Début 1969, à l’issue du cinquième Conseil national palestinien - l’organe suprême de l’Organisation de libération de la Palestine - au cours duquel le Fath prend le contrôle du Comité exécutif et Yasser Arafat en devient le président, la résolution politique affirme que l’objectif des Palestiniens est « d’édifier une société libre et démocratique en Palestine, pour tous les Palestiniens qu’ils soient Musulmans, Chrétiens ou Juifs, et de libérer la Palestine et son peuple de la domination du sionisme (2) ». Quelques mois plus tard, en avril, l’OLP revendique, pour la première fois, la création d’un Etat palestinien indépendant (3 ).

Car, aussi étrange que cela apparaisse, l’objectif que s’assigne l’OLP à sa création en 1964 n’est pas la création d’un Etat palestinien mais « la libération » de la Palestine. Il existe en effet un puissant courant parmi les Palestiniens, dominant jusqu’à la guerre de 1967, qui se réclame du « nationalisme arabe », tel que l’ont incarné le président égyptien Gamal Abdel Nasser ou le Parti Baas. Pour eux, l’idée d’un Etat palestinien indépendant est inacceptable, car elle entérine une division du Proche-Orient voulue par le colonialisme. « Pourquoi, disent-ils en substance, créer un quinzième Etat arabe… Ce que nous voulons, c’est la libération de la Palestine et la formation d’un grand Etat arabe unifié. »

Ce débat n’est pas nouveau. Nous pouvons le faire remonter à la constitution même du sentiment national en Palestine. L’« identité palestinienne », comme celle des autres peuples du Proche-Orient, est un assemblage de loyautés diverses, dont le rapport a varié à travers l’histoire, et qui peuvent se chevaucher : « Il est caractéristique de l’époque et des lieux, note Rashid Khalidi, que les intellectuels, les écrivains et les politiciens qui furent actifs dans l’évolution des premières formes d’identité palestinienne à la fin du siècle dernier et au début de ce siècle (...) s’identifiaient à la fois à l’empire ottoman, à leur religion, à l’arabisme, à leur patrie palestinienne, à leur ville ou à leur région, et à leurs familles, sans jamais ressentir de contradiction ou de conflits de loyauté (4). »

Avec la première guerre mondiale, l’occupation de Jérusalem par les troupes britanniques et la déclaration Balfour – le 2 novembre 1917, dans laquelle Londres entérine l’idée d’un « foyer national juif » en Palestine -, le problème se pose en termes nouveaux. Inquiets de l’immigration juive, de nombreux dirigeants en Palestine se tournent d’abord vers Fayçal, un des fils du chérif Hussein de La Mecque – le chef de la grande révolte arabe contre l’empire ottoman -, qui s’est installé au pouvoir à Damas, à la constitution de ce qu’on appelle la « Syrie du Sud ». Les Arabes de Palestine, qui découvraient avec stupéfaction la promesse faite par Londres de créer chez eux un « foyer national juif », cherchent des appuis. La perspective d’un Etat indépendant arabe à Damas les incite à s’y rallier pour s’opposer aux projets d’immigration sioniste. Mais l’entrée des troupes françaises à Damas, le 25 juillet 1920 et la fuite de Fayçal, détournent les Palestiniens de la « Grande Syrie ». L’instauration du mandat britannique sur la Palestine, en 1922, et le tracé des frontières, contribuent à recentrer le mouvement palestinien dans les limites ainsi définies.

C’est dans ce cadre qu’il développe sa résistance au mandat britannique et au sionisme. Il ne cherche, auprès des pays arabes et musulmans, qu’un appui extérieur. En 1936 éclate la grande révolte arabe en Palestine. Elle va durer trois ans et se terminera pas une terrible défaite, des milliers de morts, des dizaines de milliers d’arrestations, des divisions internes du mouvement national qui perd la plupart de ses cadres mais aussi son autonomie politique. La question palestinienne devient alors une question arabe. L’intérêt grandissant de l’opinion du monde arabe pour la Palestine, la volonté britannique d’impliquer ses alliés arabes – égyptien, transjordanien, irakien, saoudien, etc. – comme facteur modérateur (ce sont eux qui obtiendront l’arrêt de la grève palestinienne de six mois de l’année 1936 - poussent aussi à l’ « arabisation » du conflit. Enfin, l’adoption par Londres en 1939 du Livre Blanc (qui limite l’immigration juive et l’achat de terres arabes, et prévoit un Etat unitaire dans les 10 ans avec une minorité juive ne pouvant excéder le tiers de la population), succès non négligeable pour les Palestiniens est perçu avant tout par les Palestiniens comme un succès des pays arabes. Privés de direction, ils s’en remettent désormais aux pays arabes.

La guerre de 1947-1948, la non édification d’un Etat arabe même sur une partie de la Palestine, l’expulsion de centaines de milliers de Palestiniens accentuent encore cette dépendance d’autant que le Haut comité arabe (HCA), dirigé par mufti de Jérusalem, Hajj Amine Al Husseini, qui dirige la lutte palestinienne, n’a jamais vraiment eu la possibilité de constituer une autorité indépendante sur les territoires que contrôlaient les armées arabes. Les rivalités entre les différents gouvernements arabes et les ambitions des Hachémites, qui annexent la Cisjordanie viendront vite à bout du Gouvernement arabe de toute la Palestine, créé en septembre 1948, par le mufti. Ce gouvernement, incapable de mettre en place un embryon de pouvoir, sombrera vite dans l’oubli et, avec lui, l’idée d’une Palestine indépendante.

Mais au Proche-Orient la défaite de Palestine bouleverse la donne régionale. On assiste, en 10 ans, à un renversement total de l’ordre ancien. La poussée du nationalisme arabe ébranle les régimes alliés à l’Occident. Gamal Abdel Nasser et les « officiers libres » prennent le pouvoir au Caire, le 23 juillet 1952, Abdel Karim Kassem renverse la monarchie à Bagdad, le 14 juillet 1958. Le désastre de l’expédition de Suez en 1956 voit s’effondrer les rêves de reconquête coloniale anglais et français. La création, en 1958, de la République arabe unie (RAU) entre l’Egypte et la Syrie semble rapprocher l’heure de l’unité arabe. L’écho de cette avancée est immense parmi les Palestiniens. Traumatisés par la défaite de 1948 et par l’expulsion de centaines de milliers d’entre eux, ils se rallient avec enthousiasme à la version révolutionnaire, c’est-à-dire résolument anti-impérialiste et non-alignée, du nationalisme arabe, dont le nassérisme sera une des formes les plus importantes (mais non la seule). Pour eux, le mot d’ordre désormais est : « La libération de la Palestine passe par l’unité arabe. »

Plus que jamais, la Palestine est un objet aux mains des dirigeants arabes et une carte dans leur lutte pour l’hégémonie. Ce sont ces rivalités, notamment celles entre Nasser et Kassem, le dirigeant de l’Irak, entre 1958 et 1963, qui enclencheront la dynamique aboutissant à la création de l’OLP. En septembre 1963, la Ligue arabe coopte Ahmed Choukeyri comme représentant de la Palestine à la Ligue arabe « jusqu’à ce que le peuple palestinien soit en mesure d’élire ses représentants ». Il est aussi désigné comme chef de la délégation de la Palestine aux Nations unies. Lors du premier sommet des chefs d’Etat arabes au Caire, qui s’est tenu à l’invitation de Nasser entre les 13 et 17 janvier 1964, Ahmed Choukeyri est chargé de consultations pour jeter les bases d’une entité (kiyan) palestinienne. Entre le 28 mai et le 2 juin 1964, se tient le premier Congrès national palestinien, qui voit la création de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP).

A relire les textes adoptés – notamment la Charte nationale (qawmiyya (5) et les statuts de l’OLP -, à suivre les débats, on est frappé par l’absence de référence à toute notion de « souveraineté » palestinienne, à l’idée même d’un Etat palestinien. Le point le plus frappant de ces textes est l’absence de référence à toute souveraineté territoriale du peuple palestinien (6), à un Etat palestinien. L’article 24 de la Charte précise même que l’OLP n’exerce aucune souveraineté « régionale » (iqlimiya) sur la Cisjordanie, ni sur la bande de Gaza, ni sur la région d’El Himma (territoire palestinien aux mains de la Syrie). De plus, ces responsabilités dans ces zones excluent toute activité militaire. Ces deux points ont été la condition de la présence du roi Hussein à l’ouverture du Congrès.

Aux pressions arabes pour maintenir sous tutelle les Palestiniens s’ajoute l’hégémonie idéologique du nationalisme arabe : la Charte insiste donc sur la définition de la Palestine comme « une partie arabe liée par des liens du nationalisme (qawmiya) aux autres contrées arabes qui forment avec elle la Grande Patrie Arabe » (art. l). Il faut attendre l’article 3 pour trouver mention du « peuple arabe de Palestine [qui] a le droit légal sur sa patrie », mais cette patrie « est une partie intégrante de la Nation arabe... ». Parmi les présents à cette réunion de Jérusalem, on trouve quinze à vingt représentants (7) d’une organisation encore inconnue, le Fath, qui naît au Koweït en 1959 et dont les thèses iconoclastes ne rencontrent encore qu’un faible écho.

« A la fin de 1959, le Fath commença à publier ses orientations, mais pas sous son nom. Le point essentiel de l’argumentation était que la libération de la Palestine était fondamentalement une affaire palestinienne et ne pouvait être confiée aux Etats arabes. Au mieux, les régimes arabes pouvaient fournir aide et protection et, si l’occasion s’en présentait, contribuer à la lutte avec leurs armées conventionnelles. Mais les Palestiniens devaient prendre la tète de la bataille contre Israël. La guerre de libération algérienne était donnée en exemple de ce qui devait être fait en Palestine (8). » Ces thèmes, défendus dans le journal Filastinouna (Notre Palestine) - quarante numéros seront publiés à Beyrouth entre 1959 et 1964 par des membres du Fath - s’inscrivent en faux contre le « panarabisme » ambiant. Elles seront renforcées par l’échec de l’unité égypto-syrienne en 1961 et par la victoire de la révolution algérienne en 1962, qui sert de modèle aux dirigeants du Fath. Certaines formulations sont violentes contre les régimes arabes. Ainsi un des rédacteurs de Falistinouna écrit : « Tout ce que nous demandons est que vous [les régimes arabes] entouriez la Palestine d’une ceinture défensive et regardiez la bataille entre nous et les sionistes. » Ou : « Tout ce que nous voulons est que vous [les régimes arabes] ôtiez vos mains de la Palestine »... (9). Il était d’ailleurs formellement interdit aux autres Arabes d’être membres du Fath. Ce qui permet à Yaari Ehud d’affirmer : « Le palestinianisme » est le pierre angulaire (...) des conceptions politiques du Fath [...] Il est fondé [...] sur la croyance que le conflit est, avant tout, un conflit Palestinien-Juif et que les Arabes y ont un rôle secondaire, ainsi que sur le désir de permettre une “ renaissance nationale ” du peuple palestinien dispersé. Ce n’est qu’à une étape ultérieure que d’autres éléments furent ajoutés à ce principe et en particulier la guerre populaire de libération. » La victoire de cette thèse est la condition nécessaire à la revendication d’un Etat palestinien indépendant. Cette dissidence du Fath ne peut susciter que l’opposition des régimes arabes. Après les premières opérations militaires (début 1965), l’organisation est même qualifiée, pire des insultes, d’agent du CENTO (Central Treaty Organisation, pacte qui regroupe le Pakistan, l’Iran, la Turquie et la Grande-Bretagne, sous la houlette des Etats-Unis). Ce n’est qu’avec la Syrie, et durant une courte période, qu’une certaine collaboration se met en place.

La guerre de 1967 et la cuisante défaite de l’Egypte, de la Syrie et de la Jordanie face à Israël contribuent – après l’échec de l’union entre Le Caire et Damas au sein de la RAU en 1961 et la rupture des pourparlers pour l’unité Égypte-Syrie-Irak en 1963 – à faire reculer le rêve du nationalisme arabe. Au contraire, les « régionalistes », ceux qui ont misé sur l’indépendance et l’autonomie de décision du peuple palestinien voient leurs positions renforcées. Le vide politique créé, pendant quelques mois, par l’ampleur de l’effondrement arabe, permet aux groupes de la résistance armée palestinienne, et en tout premier lieu le Fath, d’occuper le devant de la scène régionale, de s’installer en Jordanie, de s’infiltrer au Liban.

L’OLP trop liée aux pays arabes, entre en crise, son président, Ahmed Choukeyri, démissionne. Des négociations s’engagent pour intégrer les organisations armées à l’OLP. En juillet 1968, se réunit le quatrième Conseil national palestinien, dominé par le Fath. La Charte nationale ainsi que des statuts de l’OLP sont modifiés. Ils mettent avant la lutte armée. L’article 9 de la Charte amendée précise que « Le peuple arabe de Palestine [...] affirme son droit à l’autodétermination et à la souveraineté sur son pays. » Dès l’article 1 on définit la Palestine comme « la patrie du peuple arabe palestinien », dont le rôle est sans cesse souligné. Cette insistance se traduit dans la définition même de l’OLP, « qui représente les forces révolutionnaires palestiniennes, est responsable du mouvement du peuple arabe palestinien dans sa lutte en vue de recouvrer sa patrie, de la libérer et d’y revenir afin d’y exercer son droit à l’autodétermination. »

Cette responsabilité s’étend à tous les domaines d’ordre militaire, politique et financier, ainsi qu’à tout ce que pourrait exiger la solution du problème palestinien aux plans interarabe et international. » Toutes les restrictions sur le rôle de l’OLP, notamment en Cisjordanie, à Gaza sont donc levées. Concernant les régimes arabes, l’article 28 est particulièrement tranchant : « Le peuple arabe palestinien revendique l’authenticité de sa révolution nationale (wataniya) et son indépendance et il rejette toute forme d’ingérence, de mise en tutelle et de satellisation. » Désormais, la revendication nationale et étatique est au cœur du combat palestinien ; elle se concrétise dans le mot d’ordre « Etat démocratique » (10), dont la moindre des originalités n’est pas d’accepter, pour la première fois, la présence juive en Palestine : certes, l’OLP vise à la destruction de l’« entité sioniste », mais elle appelle les juifs à coexister au sein d’un Etat où vivront en commun Musulmans, Chrétiens et Juifs, une idée qui n’est pas si éloignée de l’Etat binational revendiqué par une partie de la gauche sioniste avant 1948.

Un Etat palestinien sous tutelle israélienne ?

L’avenir de la Cisjordanie et de Gaza occupés en 1967 pose rapidement des problèmes complexes au Fath et à l’OLP. D’un côté ces territoires font partie de la Palestine mandataire ; de l’autre, les organisations palestiniennes se sont créées pour libérer « toute la Palestine » et rejettent la résolution 242 du Conseil de sécurité des Nations unies, qui prévoit le retour à la situation du 4 juin 1967. De plus, les fedayins sont, après la guerre de 1967, installés en Jordanie et, malgré les tensions avec le roi Hussein, ne veulent pas un affrontement direct avec lui en revendiquant la Cisjordanie que les Hachémites considèrent désormais comme partie intégrante de leur royaume. On ne trouve donc dans la Charte et les textes du Conseil national palestinien de 1968 aucune référence claire à l’avenir des territoires occupés en 1967. Seule la résolution politique condamne la création d’une « entité palestinienne fantoche », c’est-à-dire de quelque structure étatique que ce soit en Cisjordanie et à Gaza.

Cette réticence est renforcée par l’ambiguïté de la politique menée en 1967-1968 dans les territoires occupés par le gouvernement israélien, dont on sait grâce à des archives désormais accessibles, qu’il envisageait très sérieusement la création d’une « entité palestinienne », un choix qui ne pouvait qu’accroître la méfiance du Fath à l’égard d’une telle idée présentée comme un « complot sioniste ».

La politique israélienne dans les territoires occupés, est élaborée par Moshe Dayan, le puissant ministre de la défense. Qualifiée de « non-ingérence », elle consiste à laisser en place l’administration locale pour disposer de « relais qui ménagent la sensibilité nationale, mais sont aisément court-circuitables » (11). Une notice du ministère de la défense la décrit concrètement : « On pourrait dire, en principe, que les buts du gouvernement militaire sont qu’un résident arabe de la zone puisse naître à l’hôpital, recevoir un certificat de naissance, grandir et recevoir une instruction, se marier et conduire ses enfants ainsi que ses petits-enfants jusqu’à un âge avancé, tout cela sans le concours d’un employé ou d’un secrétaire du gouvernement israéliens et sans avoir jamais posé un regard sur lui » (12). Cette vision idyllique, bien éloignée du quotidien des habitants, résume pourtant bien la philosophie de l’occupant.

Ces orientations furent parallèles à un débat, resté longtemps secret, au sein du gouvernement israélien, sur l’« option palestinienne » (13). Durant les réunions du cabinet israélien qui se tinrent entre le 16 et le 19 juin 1967, alors que la guerre venait à peine de se terminer, la décision fut prise de rendre les territoires occupés syriens et égyptiens (mais pas Gaza) en échange de la paix. En revanche, le sort de la Cisjordanie ne fut pas réglé. La majorité des ministres, et notamment le premier d’entre eux, Levi Eshkol, refusaient toute négociation avec le roi Hussein dont l’avenir apparaissait incertain. Ils préféraient une « option palestinienne ». Yigal Allon, alors ministre du travail, évoqua la création d’un Etat palestinien dans une partie de la Cisjordanie : « J’évoque la proposition maximale. Pas un canton, pas une région autonome, mais un Etat arabe indépendant, sur lequel eux et nous serions d’accord, dans une enclave entourée par Israël (...) et ayant même une politique étrangère indépendante. » Ce choix reposait, entre autres, sur le refus du gouvernement de rendre la vallée du Jourdain. Ainsi que l’explique Levi Eshkol, le 7 juillet 1967, « si nous disons que le Jourdain est la frontière, alors nous n’avons pas d’autre choix que de créer une zone dans laquelle 1 million d’Arabes disposeront d’un statut spécial ». Et il poursuivait qu’il envisageait une région semi-autonome, « mais si cela se révèle impossible, ils auront l’indépendance ». L’armée elle-même ne semble pas opposée à cette solution et différentes propositions sont formulées par les renseignements militaires en ce sens. Pourtant, il faut souligner que cette proposition suppose, dans l’esprit des dirigeants israéliens, l’annexion de Gaza et de Jérusalem, l’installation militaire sur le Jourdain et l’enclavement de la future entité palestinienne.

Mais, même ainsi, elle est contraire aux intérêts israéliens, comme l’explique Victor Cygielman à l’époque (14). « 1) un petit Etat palestinien coincé entre la Jordanie et Israël pourrait difficilement être amené à faire des concessions territoriales (Latroun, Kalkiliya) amputant encore davantage un territoire déjà fort réduit ; « 2) Amman n’étant pas sa capitale, il réclamerait la partie arabe de Jérusalem avec l’appui probable d’une opinion internationale sympathisante ; « 3) Dans la mesure où un mouvement nationaliste s’y développerait, ses revendications territoriales seraient dirigés, non contre un “ Etat frère ” de Jordanie peu développé de surcroît mais contre Israël. » Il ne faudra pas une année pour que le gouvernement israélien abandonne l’« option palestinienne » au profit de l’« option jordanienne » - les contacts secrets avec le roi et ses émissaires s’intensifient dès le début de l’année 1968 - et Ygal Allon lui-même présentera le plan connu sous son nom au roi, dans une rencontre secrète (15). Désormais, pour le gouvernement israélien, et ce jusqu’en 1993, l’avenir de la Cisjordanie doit être négocié avec Amman.

L’OLP comme Etat

Il faudra la guerre d’octobre 1973 pour que l’OLP, reconnue par la presque totalité de la communauté internationale, à l’exception d’Israël et des Etats-Unis, comme le représentant des Palestiniens, s’engage dans la voie diplomatique. Après de longs débats internes, elle accepte, alors la création d’un Etat palestinien en Cisjordanie et à Gaza, avec Jérusalem comme capitale. Mais il faudra encore des années – et notamment la guerre du Golfe et l’effondrement de l’Union soviétique – pour que les Etats-Unis et Israël reconnaissent à leur tour l’OLP et acceptent de négocier avec elle. Comme l’explique Yezid Sayigh (16), le désastre de 1948, l’expulsion de centaines de milliers de Palestiniens et l’éparpillement dans les camps secouent la société palestinienne. Alors que les élites anciennes sont discréditées, seul se maintient, durant les années 50, un patriotisme fait d’attachement à la terre ou au village. Ce sentiment se transforme en proto-nationalisme à la faveur de l’expérience de la marginalité sociale et politique que font les Palestiniens : nulle part dans le monde arabe ils ne sont les bienvenus, nulle part ils ne jouissent des mêmes droits que les autochtones, même quand, comme en Jordanie, on leur octroie la nationalité. Si l’éducation massive - rendue possible par l’Unrwa - et « la transformation d’un peuple de paysans en peuple de fonctionnaires » favorisent cette affirmation identitaire « l’émergence d’un nationalisme distinct (...) n’était pas inévitable, compte tenu de l’absence d’un cadre politique et institutionnel commun au sein d’un Etat ». La recherche de ce cadre commun, et c’est la thèse centrale de Yezid Sayigh, fut un élément crucial dans la reconstruction du mouvement politique palestinien.

Ce que cherche la résistance palestinienne avant tout, c’est la construction de ce « cadre étatique » qui manque pour que le nationalisme puisse vraiment prendre son essor. Elle va le trouver dans l’Organisation de libération de la Palestine, créée par la Ligue arabe en 1964 et que les fedayin avaient jusqu’alors critiqué âprement. Dirigeant de l’aile gauche du Fath, M. Naji Allouch avait raison quand il reprochait à sa direction d’abandonner la révolution et de vouloir transformer l’OLP en « Etat en exil ». « La génération qui prit le contrôle de l’OLP en 1968-1969, note l’auteur, (...) était similaire de manière frappante aux « nouvelles élites » qui arrivèrent au pouvoir en Egypte, en Syrie, en Algérie et en Irak entre 1952 et 1968 ». Le Fath, la plus puissantes des formations de fedayin, mit ses cadres à de nombreux postes dirigeants et intégra certaines de ses propres organisations (Fondation des martyrs, Croissant-Rouge) au sein de l’OLP ; d’un autre côté, elle multiplia les structures pour offrir des postes à sa base (une forme de clientélisme) ou aux autres organisations. Elle s’assura ainsi la loyauté de dizaines de milliers de fonctionnaires. Ceci « était loin d’être inhabituel » pour les jeunes Etats indépendants, mais l’originalité de cette politique dans le cas palestinien tenait au fait « qu’elle se développait dans le cadre d’un mouvement de libération », qui ne contrôlait même pas une partie de son territoire. L’afflux d’une aide financière en provenance des pays du Golfe et d’autres pays arabes, une véritable « rente » politique, fut un élément décisif dans la construction de ce quasi-Etat et dans la possibilité d’une gestion clientéliste.

Ce choix « étatiste » fixait à la fois la force et les limites de l’OLP. Elle devenait, dans les années 70, le cadre de référence de toutes les organisations palestiniennes et, plus largement, de tous les Palestiniens éparpillés à travers le monde. Elle pouvait, à juste titre, revendiquer sa qualité de « seul représentant du peuple palestinien », mais au sens où un Etat représente ses citoyens.

D’un autre côté, malgré un certain pluralisme, l’OLP offrait les mêmes défauts que tous les Etats arabes environnants dont elle s’était inspirée : absence de contrôle des dirigeants, incapacité à l’autocritique, fonctionnarisation, patrimonialisme, pouvoir personnel, etc. Elle craignait toute initiative autonome de la société et maintiendra une méfiance tenace à l’égard de tous les mouvements en Cisjordanie et à Gaza dont le contrôle lui échappe en partie. Toutes les organisations, y compris celles de la gauche palestinienne, acceptèrent cette logique étatique et clientéliste, négociant avec M. Arafat l’allocation des postes et des ressources. Mais l’OLP n’était pas un Etat et elle ne pouvait en assurer toutes les fonctions, sauf durant de courtes périodes - notamment les années 1970 au Liban. Dans leur vie quotidienne, les Palestiniens dépendaient avant tout de l’Etat dans lequel ils vivaient. Chaque fois que le système étatiste de l’OLP était incapable d’opérer de manière efficace - notamment en aidant concrètement les Palestiniens dans leurs problèmes quotidiens -, chaque fois que les Palestiniens sont contraints de lier leur stratégie de survie à des centres étatiques rivaux (Amman, Damas...) le nationalisme palestinien était affaibli.

L’expulsion de l’OLP de Beyrouth, à l’été 1982, marque le début d’une longue crise, qui s’aggrave après la guerre du Golfe et les choix catastrophiques faits par la direction en faveur de l’Irak. Réfugiée à Tunis, éloignée de tous les pays où vivent les Palestiniens, financièrement exsangue, elle ne peut plus ni payer ses fonctionnaires, ni aider les réfugiés. C’est son existence même qui est en cause quand s’ouvrent à Madrid, le 30 octobre 1991, en son absence, les négociations israélo-arabes. Seuls sont présents les « Palestiniens de l’intérieur ». M. Yasser Arafat explique alors à ses pairs : les Etats-Unis veulent « m’humilier et m’éliminer » et « m’éliminer signifie éliminer l’OLP ainsi que vous tous ».

Le canal secret d’Oslo allait lui permettre de sortir de cette mauvaise passe. Certes, il avalisait une Déclaration de principes qui était plutôt en retrait sur les projets d’autonomie mis sur la table depuis les accords de Camp David en 1978. Mais, pour M. Arafat l’essentiel était qu’elle « étendait la reconnaissance formelle israélienne à l’OLP et qu’elle assurait le transfert de l’Etat en exil dans les territoires occupés. C’était la survie politique de l’OLP plus que toute clause précise dans l’accord, qui donnait les garanties réelles d’un Etat futur » (17). Ces accords d’Oslo marquent, en effet, un tournant, le passage « d’un mouvement national en exil à un appareil gouvernemental établi sur son propre sol », le centre de la politique nationale, la base sociale et les institutions étatiques se retrouvent réunis à Gaza et en Cisjordanie.

(1) Citée dans Les Palestiniens et la crise israélo-arabe, Editions Sociales, Paris, 1974, pp. 167-168.

(2) Cité dans Intemational Documents for Palestine (IDP ), Institute for Palestine Studies, Beyrouth, 1969, p. 589.

(3) Cité dans IDP 1969, p. 666

(4) Rashid Khalidi, Palestinian Identity. The Contruction of Modern National Consciousness, Columbia University Press, New York, 1997, p. 19.

(5) Cette Charte sera modifiée en 1968 et s’intitulera Charte nationale (wataniyya). Bien que traduits par le même mot en français qawmi fait référence à un nationalisme arabe alors que watani se réfère à un nationalisme plus étroit.

(6) Lire Fayçal Hourani, Al fikr al siyassi al falistini 1964-1974 (La pensée politique palestinienne), Centre de recherches de l’OLP, Beyrouth, 1980.

(7) Voir la liste des invités dans Rachid Hamid, Muqararat al majlis al watani al falistini 1964-1974 (Les résolutions des CNP), Centre de recherches de l’OLP, Beyrouth, 1975. Apparaissent en particulier les noms de Khaled El Hassan, Khalil El Wazir, Kamal Adwan et Yasser Arafat. Mais ce dernier n’était pas présent. Selon Yezid Sayigh, le nombre de représentants du Fath se monte entre 15 et 20, op. cit., p. 69.

(8) William Quandt, Fuad Jabber, Ann Mosely-Lesch, The Politics of Palestinian nationalism, University of California Press, Berkeley, 1973, p. 56.

(9) Ehud Yaari, « Al Fath’s political thinking », New-Outlook, novembre-décembre 1968.

(10) Contrairement à une idée reprise dans beaucoup d’ouvrages, ni l’OLP ni le Fath ne se sont jamais prononcés pour un Etat laïque. Sur tout le débat autour de l’Etat démocratique, on pourra se reporter à Alain Gresh, OLP, histroire et stratégies, Spag, 1983.

(11) Louis-Jean Duclos, « Description de l’occupation militaire israélienne », Politique étrangère, n° 4, Paris, 1972.

(12) Cité par Ibidem.

(13) Sur ce débat, lire Reuven Pedatzur, « Coming Back Full Circle : The Palestinian Option in 1967 », The Middle East Journal, Washington, vol. 49, n° 2, printemps 1995. L’auteur avait déjà publié un article sur ce thème Haaretz, Tel-Aviv, 9 mars 1990. Toutes les citations sont tirées de l’article de The Middle East Journal. Lire aussi, Charles Enderlin, Paix ou guerres. Les secrets des négociations israélo-arabes 1917-1997, Stock, Paris, 1997. On y trouvera en particulier un compte-rendu détaillé de la réunion du cabinet israélien du 19 juin 1967.

(14) Le Monde diplomatique, novembre 1970.

(15) Le plan Allon, qui sera définitivement adopté au début 1968, prévoit le contrôle par les Israéliens d’un cordon de sécurité d’une quinzaine de kilomètres de large, le long de Jourdain ; l’annexion de certaines parties de la Cisjordanie, en particulier Jérusalem et certains territoires, notamment le bloc d’Etzion et les collines d’Hebron ; enfin, les régions les plus peuplées seraient, soit rendues à la Jordanie, soit (si l’accord n’était pas possible) dotées d’un statut autonome.

(16)Yezid Sayigh, Armed Struggle and the Search for State. The Palestinian National Movement, 1949-1993, Clarendon Press, Oxford, 1997

(17) Pour un point de vue israélien sur les négociations, mais qui rejoint sur cet épisode celui de Yezid Sayigh, lire David Makovsky, Making Peance with the PLO. The Rabin Government’s Road to the Oslo Accord, Westview Press, Boudler, 1996.

Alain Gresh






Source : Blog Monde diplo





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5-3 Norbert Lipszyc Ressources et gestion de l’eau au Proche-Orient : un état des lieux.

A. Vue générale sur les disponibilités et usages de l’eau dans les pays du Proche Orient

1. Une région aride

Le climat général du Proche Orient se caractérise essentiellement par la prédominance de l’aridité. Les pluies sont à peu près inexistantes de mai à septembre et les températures oscillent durant cette période entre 30°C et 50°C pour certaines zones. Les pluies se concentrent donc de novembre à mars, sur la côte dite du Levant ainsi que sur les zones montagneuses (mont Djebel en Syrie, monts Liban, monts de l’Anti-Liban se prolongeant jusqu’au Golan, collines de Cisjordanie et du nord de la Jordanie...). Mais au total, la pluviométrie annuelle moyenne est inférieure à 250mm/an, s’échelonnant entre des aires bien pourvues (plus de 1000mm de pluies annuelles dans une zone limitée des hauteurs du Liban) et d’autres désertiques (moins de 25mm de pluies chaque année à Eilat). Ainsi, la plupart des régions de notre étude se situent sous le seuil d’aridité évalué à 200mm de pluies annuelles, et le volume d’évaporation excède celui des précipitations durant la majeure partie de l’année. Il faudrait ajouter à ce constat les années de grande sécheresse, les derniers épisodes ayant eu lieu en 1990-91 et en 1999-2000.[carte 1]

L’eau utilisée par les habitants de la région provient de plusieurs sources, l’eau des pluies s’avérant généralement insuffisante à satisfaire les besoins humains et agricoles. Ainsi, outre la récupération des eau de pluies alimentant cours d’eau (le Jourdain et ses affluents), lacs d’eau douce (comme celui de Tibériade) ou encore fleuves côtiers (comme le Litani au Liban), il est possible d’utiliser l’eau des nappes phréatiques situées sous les écoulements des cours d’eau (ainsi les nappes de la plaine côtière d’Israël, ou celles de Cisjordanie). Des aménagements tels que des barrages permettent de réguler le cours des rivière afin de disposer d’eau durant les mois secs, et des canaux peuvent acheminer les eaux depuis leur source jusqu’aux zones plus démunies (comme le pipeline acheminant l’eau du lac de Tibériade vers les villes de la plaine côtière israélienne et jusque dans le désert du Néguev). Enfin, des ressources supplémentaires peuvent être trouvées par des techniques plus modernes comme le dessalement de l’eau de mer ou des nappes saumâtres, ainsi que le recyclage des eaux usées. Par ailleurs, il est également envisageable d’importer de l’eau de l’extérieur : s’il n’existe pour l’heure aucun aqueduc transfrontalier de la région, l’eau peut être importée par des bateaux-citernes, comme le fait par exemple Israël qui reçoit de l’eau douce de la Turquie lors des périodes de pénurie.

2. Ressources et prévision de croissance

Voyons donc quelles sont les ressources quantitatives disponibles pour chaque pays. Le tableau ci-dessous récapitule clairement les potentiels des ressources renouvelables en eau pour chaque pays, et l’eau disponible par habitant en fonction de la population. Il fournit en outre les prévisions d’évolution de ces chiffres pour 2025.

Tableau 1 :

Pays concernés


Population en 1995*
Population en 2025
Potientiel ressources 1995**
Eau disponible/personne/an en 1995***
Eau disponible/personne/an en 2025**

Israel
5
10
1500
300
150

Jordanie
3
10
880
250
902

Territoires
2
5
200
100
40

Syrie
12
26
15.000
1.250
580

Liban
3
4,3
9.000
3.000
2.100

Turquie
55
8,3
250.000
4.500
3.000

Egypte
60
120
60.000
1.000
500


* Population en millions d’habitants

** en millions de mètres3

*** en mètres3

Source : Shuval, 1996

Pour donner plus de sens à ces chiffres, l’auteur de ce tableau définit un seuil minimal d’eau nécessaire, estimé à 125m3/personne/an, ceci pour satisfaire les besoins "élémentaires en matière de consommation domestique, urbaine, industrielle et agricole. On constate que les problèmes les plus critiques se posent pour la Jordanie et les Territoires palestiniens qui devront trouver des ressources en eau supplémentaires (notamment par l’utilisation de nappes encore peu exploitée en Cisjordanie) afin de combler leur déficit. Plus largement, ce tableau montre l’importante diminution à prévoir dans les ressources renouvelables et invite à se pencher sur les méthodes qui d’ores et déjà permettent de compléter ces apports.

3. Consommation et usages de l’eau

Si l’on se limite aux trois régions où le problème de l’eau se pose avec le plus d’acuité, à savoir la Jordanie, Israël et les Territoires palestiniens, on constate que l’exploitation réelle des ressources, pour satisfaire à la demande actuelle, est très proche, voire supérieure à ce qui est effectivement disponible. Ainsi, en 1994, la consommation d’eau en Israël dépasse les 2000 millions de m3/an alors que l’on a vu que les ressources renouvelables n’excédaient pas les 1500 millions de m3/an. En Jordanie, le déficit d’eau se monte en 1999 à 155 millions de m3 et les nappes phréatiques sont surpompées à 180%. Le cas est encore plus net dans la bande de Gaza qui exploite ses ressources renouvelables à 217%, ce qui pose d’importants problèmes tant pour la qualité de l’eau pompée dans les nappes, pour l’avenir avec le risque d’assécher les nappes, dont beaucoup ne se renouvellent plus.

Deux solutions principales peuvent pallier à ce déficit : augmenter le volume d’eau disponible ou diminuer la consommation. Les moyens utilisés par les différentes pays sont détaillés plus loin, mais rappelons que l’usage agricole des ressources hydriques reste majoritaire, et c’est aussi dans ce domaine que des économies substantielles peuvent être réalisées. Ainsi, la part de l’agriculture dans la consommation en eau est de 72% pour la Jordanie contre 62% en Israël (mais qui s’élève à 70% si l’on inclut l’usage de l’eau recyclée). Mais en 1970, l’agriculture représentait 80% de la consommation israélienne, preuve des efforts réalisés dans ce domaine pour réduire la consommation d’eau.

B. Vue détaillée des ressources revendiquées par plusieurs pays

Dans ce contexte de grande aridité, trois ensembles géographiques possédant des ressources hydriques significatives sont l’objet de conflits :

- le bassin de l’Euphrate entre l’Irak, la Syrie et la Turquie,

- le bassin du Jourdain entre Israël, la Jordanie, la Syrie et les Palestiniens,

- les nappes phréatiques de Cisjordanie entre Israël et les Palestiniens.

Nous ne nous intéresserons par la suite qu’aux deux derniers points, en y ajoutant quelques mots sur le cas de Gaza. Notons que seulement 60% de l’eau utilisée par Israël est puisée à l’intérieur des frontières de 1949. L’étude des ressources situées dans les territoires revendiqués par les différents protagonistes est le sujet de cette partie.

1. Le bassin du Jourdain

Le Jourdain constitue le seul fleuve important dans cette région du Moyen Orient. Ses trois affluents principaux : le Hasbani (138 millions de m3/an), le Dan (245 millions de m3/an) et le Baniyas (121 millions de m3/an) prennent leurs sources respectivement au Liban, en Israël et en Syrie en regard des frontières internationales, avant de se jeter dans le fleuve. Avec 150 millions de m3 d’eau/an supplémentaires apportés par les cours d’eau mineurs et nappes phréatiques le Jourdain se jette dans le lac de Tibériade avec un débit annuel de 650 millions de m3 d’eau puis se poursuit le long de la frontière israélo-jordanienne jusqu’à la Mer Morte en empruntant la dépression de Ghor. En aval du Lac de Tibériade, le Yarmouk (450 millions de m3/an), qui prend sa source en Syrie, suit la frontière syro-jordanienne et se jette dans le Jourdain [carte 2].

Depuis 1967, la conquête du Golan a permis à Israël de disposer du Baniyas ainsi que des nappes et cours d’eau qui parcourent le Mont et lui donnent son surnom de " château d’eau ". On voit donc que le Golan apporte à Israël plus de 250 millions de m3 d’eau. Le Golan et le Yarmouk fournissent ainsi près du tiers de la consommation totale israélienne.

Tableau 2 : Ressources hydriques du bassin du Jourdain utilisées par Israël selon leur origine géographique et leur quantité (en millions de m3 )’eau / an) :

EAU
Israel 1949
Syrie
Liban*
X

Dan
245
X
X
X

Hasbani
X
X
135


Baniyas
X
120 (golan)
X
X

Yarmouk
X
450
X
X

Nappes + cours d’eau du Golan
X
150 (Golan)
X
X

total Golan/Hermon
245
720
135
1.100


source : Encel 1999

* Il faut noter que l’évacuation de la zone de sécurité du Sud-Liban donne la possibilité au Liban de disposer de la partie du Hasbani qui coule en son sein.

La restitution du Golan n’apporterait que des quantités d’eau très faibles (0.9% des ressources totales) à la Syrie, compte-tenu du haut débit (30 milliards de m3/an) de l’Euphrate en territoire syrien et de l’exploitation des nappes phréatiques et des eaux du Yarmouk et de l’Oronte (10 milliards de m3/an). Le bassin du Jourdain représente ainsi 2% des ressources syriennes en eau.

La Jordanie est pour sa part tout à fait dépendante du bassin du Jourdain qui représente 120 millions de m3/an. Le Yarmouk et les nappes souterraines renouvelables ou non fournissent respectivement 130 et 480 millions de m3/an.

2. L’aquifère cisjordanien

L’autre ressource hydrique impliquée dans des négociations de paix est l’aquifère cisjordanien. Cet aquifère montagneux s’étend de la vallée de Jézréel au nord à la vallée de Beersheva au sud et du piémont des montagnes de Judée à l’ouest jusqu’au Jourdain à l’est. Il comprend trois zones : le bassin Ouest (appelé Yarkon-Taninim en Israël), le bassin Nord-est et le bassin Est. Les aquifères sont alimentés par les pluies qui se concentrent sur les collines de Cisjordanie. Mais l’eau s’écoule ensuite en direction de la côte méditerranéenne et dans la vallée de Jézréel, soit à l’intérieur des frontières israéliennes de 1949. Cette situation est comparable à celle d’un cours d’eau transfrontalier [carte 3].

Le bassin Ouest a une capacité renouvelable de 340-350 millions de mètres cubes d’eau. Il est exploité par environ 300 puits situés à l’ouest de la " ligne verte " ce qui représente une capacité de pompage de 375 millions de m3/an soit plus que la limite de renouvellement de cette ressources. Son exploitation potentielle depuis les collines de Cisjordanie nécessiterait des puits plus profonds et ne fournirait que peu d’eau.

Le bassin Nord-Est (appelé Shchem-Gilboa en Israël) commence à Naplouse (Shchem), coule en direction des monts de Gilboa, dans les vallées de Jézréel et Bet Shean et a une capacité renouvelable de 130 millions de m3/an. Sur ce total, Israël utilise 100 millions de m3/an prélevés depuis des sources situées à l’intérieur des frontières de 1949 et fournit 5 millions de m3/an prélevés à l’aide de puits creusés en Cisjordanie aux habitants des implantations de la vallée du Jourdain tandis que 27 millions de m3/an, soit 20% de ces ressources sont utilisées par les Palestiniens.

Contrairement aux deux autres bassins, la quasi - totalité du bassin Est se situe en Cisjordanie. Cette ressource partiellement saumâtre a une capacité renouvelable de 150 millions de m3/an. La grande sécheresse de 1988-91 l’a appauvrie mais il semble que les pluies de 1991-92 l’aient renflouée. Officiellement, Israël exploite entre 35 et 50 millions de mètres cubes d’eau de ce bassin. En conclusion, sur les 630 millions de m3 d’eau/an de capacité renouvelable de l’aquifère, 413 sont puisés à l’intérieur des frontières de 1949, 110 sont utilisés par les Palestiniens, 60 sont puisés en Cisjordanie pour les implantations et on estime à 60 millions de m3/an les ressources inexploitées de l’aquifère Est. Enfin, le potentiel hydrique que pourraient utiliser les Palestiniens dans l’ensemble de la Cisjordanie est de 100 à 150 millions de m3/an.

3. Le problème de Gaza

La bande de Gaza est la région qui souffre le plus du manque d’eau. Cette zone très densément peuplée ( plus de 2000habitants au km²) ne dépend pour son alimentation en eau que des pluies (comprise entre 200 et 400mm/an) et ne dispose d’aucun cours d’eau permanent. Elle s’approvisionne donc par les wadis, cours d’eau temporaires durant les pluies d’hiver et par des forages dans la nappe phréatique du sous-sol. L’aquifère souterrain est approvisionné selon les sources par un volume d’eau annuel variant entre 50 et 70 millions de m3. Ce volume est insuffisant pour répondre à une demande de l’ordre de 100 à110 millions de m3/an. Ce déficit est une source de tension supplémentaire entre Israéliens et Palestiniens. Les seconds estiment que les premiers diminuent le potentiel de leur aquifère en pompant l’eau par des puits situés le long de la frontière avec Gaza et à cause du barrage sur le Wadi de Gaza dont la source est située en Israël. Le problème est que les experts ne sont pas d’accord pour savoir si la nappe de Gaza est une subdivision de l’aquifère côtier ou si elle ne forme qu’un seul ensemble.

C. La gestion de l’eau : l’exemple israélien et jordanien

1. Les technologies utilisées pour exploiter les ressources

L’insuffisance de l’alimentation en eau dans toute la région a conduit dès la plus haute antiquité à l’utilisation de techniques les plus variées. Il faut distinguer ce qui relève de l’acheminement des eaux de surface, du pompage des eaux du sous-sol ou encore des techniques permettant de rendre l’eau (usée, saumâtre ou salée) potable. Les deux premiers procédés sont les plus anciens et encore les plus largement employés dans la région. Israël et la Jordanie s’illustrent plus particulièrement dans l’ampleur des moyens consacrés à une exploitation optimale des ressources existantes, par les méthodes suivantes :

- les canaux d’acheminement : les deux pays ont opté pour un système de gestion centralisé

* Le canal du Ghor oriental (appelé depuis 1987 canal du Roi Abdallah) est la principale réalisation de la Jordanie. Ce canal, dont le projet remonte à 1959 fut conçu par équipe d’ingénieurs jordaniens et américains et financé par l’aide américaine, européenne et arabe. Il est alimenté par le cours du Yarmouk et mesure 110km de long. Il sert principalement à l’agriculture irriguée de la plaine jordanienne de rive gauche, la zone la plus prospère du pays.

* En Israël, une compagnie d’État, Mekorot gère le National Water Carrier, réseau national achevé en 1964 qui est alimenté principalement par des pompages dans le lac de Tibériade (qui représentent 400 millions de m3 d’eau annuels) et dessert l’ensemble de la côte jusqu’au Néguev.[carte 4]

- les techniques modernes, projets et réalisations :

* la pluie dans le désert. La Jordanie s’illustre par son innovation pour capter les eaux de pluie dans les oueds du désert. Des petits murets sont construits afin de récupérer les eaux de pluies et pour éviter leur évaporation immédiate dans les sables. Plus généralement, la collecte des eaux de pluies est une solution de complément fréquemment envisagée et en partie appliquée.

* le dessalement : le dessalement de l’eau de mer est déjà effectif en Israël, de façon ponctuelle : la ville d’Eilat (20.000 habitants) assure par ce procédé 90% de ses besoins en eau. Pour l’ensemble du pays, ce sont environ 60.000 m3 d’eau qui sont dessalés chaque jour. Le principal obstacle à l’extension de ce système est son coût. Les usines de dessalement nécessitent une grande quantité d’énergie pour fonctionner, si bien que le mètre cube d’eau revient à l’heure actuelle à près d’un dollar. Néanmoins, la Jordanie envisage de dessaler jusqu’à 70 millions de m3 d’ici 2005.

*le traitement des eaux : il s’agit du recyclage des eaux usées et du traitement des eaux saumâtres. Pour celles-ci, il existe un projet à Hisban, au sud d’Amman, devant dessaler à terme 30 millions de m3/an. Toujours en Jordanie, le recyclage des eaux usées concerne un volume de 65 millions de m3/an : le projet est d’atteindre les 200 millions d’ici à 2010.

En Israël, le recyclage des eaux usées est en œuvre depuis trente ans dans la région de Haifa (complexe de Kishon) et du Dan (au sud de Tel-Aviv, le complexe le plus important du pays). Il fournit aussi de l’eau pour l’irrigation agricole. Le recyclage est estimé à 270 millions de m3 d’eau par an, et pourrait atteindre les 620 millions de m3 en 2020.

Dans les Territoires palestiniens, le recyclage est également utilisé et devrait s’élever à 45 millions de m3/an pour la Cisjordanie contre 33 millions pour Gaza d’ici 2020.

2. Réduire la consommation d’eau : un enjeu majeur

* L’enjeu se situe principalement au niveau agricole. Ainsi de 1985 à 1993, Israël a pu réduire de 200 millions de m3/an sa consommation d’eau en jouant presque uniquement sur le secteur agricole, grâce à une irrigation plus efficace (les méthodes du goutte à goutte) ou encore la sélection de plantes demandant moins d’eau. Le problème qui demeure en Israël est que les agriculteurs bénéficient de tarifs préférentiels pour l’eau, ce qui augmente leur demande, et ne facilite pas une économie de cette ressource.

Pour ce qui est de la consommation domestique, en constante augmentation dans la région du fait de l’accroissement de la population et surtout de son urbanisation - un urbain consommant plus d’eau, l’amélioration des techniques économisant l’eau (comme les chasses d’eau " intelligentes ") ou les campagnes de sensibilisation peuvent aider à réduire la consommation. Ainsi en 1991, grâce à une grande campagne lancée en Israël après la sécheresse de 1989, on a pu voir une baisse de 23% de la consommation d’eau domestique.

* Les problèmes sont similaires en Jordanie, et les autorités se sont engagées dans des programmes d’économie de l’eau, notamment par la réduction des fuites dans les réseaux des agglomération (à Amman, près de la moitié de l’eau distribuée est perdue). Selon M.Mohammed Shatanaoui, expert hydraulique à la Jordan University, une augmentation de 10% de l’"efficacité " de l’eau en Jordanie permettrait d’économiser 100 millions de m3/an.

3. Les problèmes de pollution et de surexploitation.

Ces problèmes se posent en particulier pour les nappes phréatiques de la côte israélienne et de Gaza, ainsi que pour le bassin du Jourdain. Les problèmes principaux sont dus à la surexploitation des nappes, qui provoque leur salinisation. Ainsi, les nappes côtières, les plus précocement exploitées sont très touchées, avec des taux élevés de teneur en sel, les rendant partiellement ou totalement inutilisables, ou exposant la population à des risques sanitaires réels. Les mêmes problèmes se font jour à présent dans les nappes du bassin du Jourdain. A cela, il faut ajouter les rejets de polluants agricoles et industriels. La législation environnementale est peu sévère en Israël : ce pays a l’un des taux d’utilisation de pesticides les plus élevés au monde. La situation n’est guère meilleure dans les Territoires Palestiniens où l’absence de contrôle est totale et la maîtrise technique des agriculteurs très sommaire.

II L’eau : prétexte de guerre et enjeu de négociation

Après nous être intéressés aux ressources hydriques de cette région du Moyen-Orient, nous nous proposons de définir la place qu’occupe la question de l’eau dans les politiques nationales.

A. L’eau : un problème essentiellement politique

Dans une zone de conflit, il nous semble que le rapport d’un État à ses ressources naturelles est doublement déterminant. Dans une région hostile, la capacité à pouvoir vivre uniquement des propres ressources de son territoire est un atout de taille quand ce n’est pas une question de vie ou de mort. Mais l’attention qu’un État porte à sa terre ne renseigne pas tant sur les besoins réels d’une population que sur la représentation qu’il se fait du territoire dont il dispose. Ainsi, l’étude des deux sujets spécifiques que sont l’agriculture, le partage de l’eau en Israël semblent démontrer certes que le souci pour la survie physique est constant dans cette région, mais qu’il ne suffit pas à expliquer les politiques de gestion ses ressources en général et de l’eau en particulier.

1. Le poids politique de l’agriculture

Il serait trop long ici d’étudier en détail l’importance historique de l’agriculture dans la construction de l’état d’Israël. Rappelons seulement que la volonté de faire " fleurir le désert " par le travail agricole de Juifs qui disposeraient ainsi d’une terre qui leur appartienne de fait et de droit est au centre du sionisme. Ainsi, l’agriculture - pratiquée par les kibboutzim et les moshavim, institutions fondamentales d’Israël - occupe depuis toujours une place prépondérante dans la politique israélienne.

Cette importance explique que pendant plusieurs années après l’indépendance de l’ État en 1948 les ressources en eau aient été contrôlées par les agriculteurs. Le ministre de l’Agriculture et le directeur de la " Commission pour l’eau ", créée en 1959 pour gérer le système d’exploitation hydrique, ont été traditionnellement des kibboutznikim ou des membres de mouvements d’agriculteurs.

Aujourd’hui, l’agriculture représente de 62 à 70% de l’eau consommée en Israël et bénéficie de prix à l’achat préférentiels, allant contre l’intérêt économique général. En plus de réaliser les prescriptions du sionisme, l’agriculture permet une certaine auto-suffisance alimentaire et également le peuplement de l’ensemble du territoire israélien important pour des raisons autant stratégiques qu’idéologiques.

Notons que depuis quelques années, des critiques s’élèvent au sein de la société israélienne pour que les autorités de régulation de l’eau soient indépendantes des milieux agricoles et que l’on diminue les aides apportées à l’agriculture. Ces critiques doivent être envisagées au vu des considérations historique, idéologique et stratégique précédentes mais également de l’étude de la situation des pays voisins.

Ainsi, proportionnellement à la quantité d’eau extraite, l’agriculture israélienne consomme moins que ses voisins, en particulier que la Jordanie qui utilise 72% des ressources à des fins agricoles et subventionne fortement ce secteur. Il est à noter cependant que ce pays a élaboré une véritable politique de gestion de l’eau comme nous l’avons mentionné précédemment. Il semble donc que la prise de conscience de l’importance de l’agriculture d’une part, qui s’oppose aux nécessaires restrictions sur l’usage de l’eau d’autre part sont concomitantes.

2. Le partage de l’eau entre palestiniens et israéliens : le droit et la nécessité

Tout d’abord, il convient de rappeler que le développement de l’infrastructure d’extraction hydrique entre 1900 et 1967 n’a pas été le même dans les territoires que recouvrent aujourd’hui Israël et la Cisjordanie. Si le Yishouv devenu l’Etat d’Israël n’a eu de cesse de développer sa technologie hydrologique et a puisé au mieux l’eau de l’aquifère cisjordanien, il faut constater qu’il n’y a eu pour ainsi dire aucune exploitation de cet aquifère de l’autre côté de la ligne verte.

Ainsi, il semble que l’on ne puisse corroborer les revendications palestiniennes qui affirment que l’exploitation israélienne a privé les palestiniens de l’eau qui leur revenait de droit. D’autant plus qu’en 1965, des recherches hydrologiques conclurent à la surexploitation de l’aquifère et conduisirent la " Commission pour l’eau " à réglementer drastiquement les conditions de forage et à réguler le pompage de l’eau. C’est au nom de cette constatation qu’Israël a limité l’exploitation d’eau en Cisjordanie après 1967, ce qui a fait dire aux Palestiniens que ce sont les Israéliens qui sont responsables du faible avancement technique palestinien.

Il est difficile de définir précisément et il n’est pas question ici de développer les différentes estimations de l’eau disponible dans les années à venir pour les différents peuples de la région. Cependant, il semble que l’on puisse dire de façon générale que les ressources dans les frontières de 1949 suffiront tout juste à satisfaire les besoins israéliens mais pas ceux des Jordaniens ni des Palestiniens dans les conditions actuelles d’exploitation d’ici 20 ans.

Aujourd’hui, le principal grief soulevé contre les Israéliens repose sur le fait que les Palestiniens paient plus cher l’eau fournie par la compagnie Mekorot que ces derniers. Face à cette accusation, Israël répond en invoquant la nécessité d’un contrôle de l’exploitation de l’eau issue de Cisjordanie. Il semble que la situation de Gaza où depuis 1993, les Palestiniens surexploitent l’eau bien au-delà des ressources aille dans le sens des Israéliens.

B. Les revendications et les négociations

Des plans de coopération ont été élaborés de longue date pour gérer au mieux une ressource rare dans la région, preuve que l’idée d’une coopération régionale comme seule solution au problème de l’eau n’est pas neuve. On peut rappeler ici le plan conçu par Walter Clay Lowdermilk dès 1936, qui s’inspirait des grands travaux menés alors dans la Tennessee Valley aux Etats-Unis, et qui proposait la mise en place d’une " Jordan Valley Authority " placée sous surveillance internationale. Ce idée fut reprise en grande partie par le plan Johnston pour la vallée du Jourdain : nommé d’après Eric Johnston, un envoyé du Président américain Eisenhower, il était destiné à créer un autorité régionale en 1954-1955, qui devait être fondée sur une coopération inter étatique des Etats riverains du Jourdain, afin d’allouer et de gérer au mieux les ressources en eau. Cependant, la réalité est demeurée bien davantage celle des tensions au sujet de l’eau. L’étude détaillée des points de friction actuels et des derniers développements des négociations montre des situations très différentes.

1. Les tensions israélo-syriennes : un faux problème ?

En dépit de la situation relativement favorable de la Syrie au point de vue de ses ressources hydriques, le problème de l’eau s’avère être un point clé dans les négociations entre les deux Etats. Le lien existant entre les revendications territoriales et le contrôle de l’eau est en effet très étroit, en particulier sur la question du Golan.

Si les dernières négociations entre la Syrie et l’administration d’Ehoud Barak en 2000 ont achoppé, c’est à cause du problème de la délimitation des frontières. Israël était prêt à se retirer jusqu’au frontières du traité de 1923 définissant les frontières du gouvernement de Palestine, dans lequel le Jourdain est inclus, mais la Syrie demandait la reconnaissance de " la ligne du 4 juin 1967 " (soit à la veille de la guerre qui conduisit à l’annexion du Golan par Israël) où le cours supérieur du Jourdain servait de facto de frontière entre les deux Etats. Accepter les demandes syriennes signifie la perte pour Israël du contrôle sur les eaux du Yarmouk.

Israël serait dès lors puisque placé en aval des sources, en position en faiblesse pour le contrôle d’un ressource vitale : le bassin représente le tiers de la consommation israélienne en eau, tandis qu’il ne pèse que pour 2% des ressources syriennes. Cela autoriserait en outre la Syrie à demander que le lac de Tibériade serve également de frontière commune, contrairement au traité de 1923 qui ne lui concédait qu’une bande de 10 mètres sur la rive nord-est, voire à demander l’internationalisation des eaux du Lac, en vertu d’un traité de 1926 qui en permettait l’accès aux pêcheurs syriens.

Enfin, la Syrie pourrait demander le partage des ressources israéliennes en vertu du plan Johnston de 1955 qui allouait à la Syrie l’usage de 20 millions de m3 du Baniyas pour l’irrigation locale, 22 millions du Jourdain supérieur et prévoyait la construction d’un canal depuis le Jourdain jusqu’aux fermes de Boteiha en territoire syrien.

Toutefois, la Syrie a elle-même violé cet accord en prélevant 220 millions de m3/an sur le Yarmouk, ce qui diminue d’autant les apports vers le Jourdain, alors que le plan Johnston ne lui accordait que 90 millions. Même en cas d’accord sur la frontière de 1923, les problèmes persisteraient, puisque Israël serait en droit de réclamer la jouissance des eaux du Baniyas (qui fournissent 20% des eaux au Jourdain) en vertu du mandat de 1920 qui allouait ce cours à la Palestine, ce que la Syrie n’est pas prête à accepter.

D’autre part, une fois encore parce situé à l’aval, Israël serait à la merci des risques de pollution éventuelles des eaux s’écoulant vers le lac de Tibériade, et ce d’autant plus que les syriens projettent d’établir massivement des habitants sur le Golan. Au total, il apparaît que la Syrie n’a pas d’intérêt d’ordre hydrologique à revendiquer la restitution, même s’il est vrai qu’elle connaît un contentieux avec la Turquie pour l’Euphrate, ressource autrement plus vitale et fleuve pour lequel la Syrie se trouve en position de faiblesse. Et ceci, en aval des retenues d’eau turques, et même si la région de Damas et des alentours du Golan pourrait tirer un bénéfice substantiel de cette ressource supplémentaire.

Les arguments syriens se situent plutôt au niveau stratégique (la perte du Golan affaiblirait Israël qui en a besoin pour ses approvisionnements en eau) et symbolique (la souveraineté retrouvée sur une terre perdue).

2. Entre la Jordanie et Israël : les bénéfices d’un accord de paix.

Les problèmes susceptibles de se poser entre Israël et son voisin jordanien ne concernent que le bassin du Jourdain. Ils ont été résolus par la signature du traité de paix d’octobre 1994. Ce traité détermine les quantités d’eau allouées aux deux Etats et l’article 1er de l’annexe II stipule que durant l’été, Israël a le droit d’utiliser 12 millions de m3 des eaux du Yarmouk et 13 millions durant l’hiver. En contrepartie, Israël s’engage à fournir 50 millions de m3/an à la Jordanie d’eau potable supplémentaire, dont 20 millions seront fournis par un stock réservé dans le lac de Tibériade. On peut noter que contrairement au cas syrien, c’est le réel besoin en eau de la Jordanie qui a largement contribué à faire aboutir les négociations avec Israël.

Néanmoins, quelques ombres subsistent. Tout d’abord, la Jordanie a vivement protesté lorsqu’en 1999, Israël s’est déclaré incapable de fournir les 50 millions de m3 d’eau prévus, du fait de la sécheresse, si bien qu’il a dû coûte que coûte remplir son engagement. D’autre part, quelques voix jordaniennes regrettent que le plan Johnston qui accordait le droit de prélever 100 millions de m3/an dans le lac de Tibériade (alors part du Royaume de Jordanie) ne s’applique pas. Même si l’heure est à la coopération, les rêves du passé peuvent ressurgir et brouiller l’entente.

3. Une indispensable coopération israélo-palestininenne ?

Israël et les Palestiniens s’opposent dans plusieurs domaines au sujet de l’eau :

* L’eau des aquifères de Cisjordanie est revendiquée par les Palestiniens, qui soulignent qu’Israël exploite par ses puits profonds et à 80-90% des nappes qui devraient leur revenir car elles sont situées sous les collines de Cisjordanie. Ils estiment de plus que l’État israélien a violé la Convention de Genève (stipulant le statu quo des sols de territoires occupés) en creusant des puits pour ses propres implantations, tandis qu’il gelait l’exploitation palestinienne de l’eau. Par ailleurs ces puits auraient asséché ceux moins profonds de villages traditionnels. A ces revendications, Israël répond que des permis de creuser des puits profonds (au nombre de 40) ont été accordés aux Palestiniens, et que globalement la disponibilité en eau per capita a augmenté de façon significative durant la période d’occupation israélienne. Pour l’exploitation des nappes cisjordaniennes, qui représentent le tiers de la consommation en eau du pays, Israël invoque le droit de l’antériorité de l’exploitation de ces ressources et le fait que la majorité des ses installations qui récupèrent l’eau de Cisjordanie sont en territoire israélien. Enfin, Israël craint que l’autorité palestinienne sur la Cisjordanie ne se solde par la monopolisation au profit des Palestiniens et surtout par une surexploitation des nappes, qui diminuerait d’environ 300 millions de m3/an les ressources pour Israël, et qui augmenterait les risques de pollution et de salinisation de celles-ci, causant du tort aux deux populations...

* Pour Gaza, le problème provient des puits creusés dans la nappe phréatique. Selon l’Autorité palestinienne, les Israéliens ont pompé dans les nappes aux abords immédiats de la bande de Gaza, causant ainsi la forte salinisation actuelle des puits, ce à quoi Israël répond que la salinisation est essentiellement due au surpompage effectué durant les années 1948-1967, quand Gaza était sous administration égyptienne, tandis que les Israéliens ont freiné les processus en interdisant les nouveau forages.

* Le bassin du Jourdain est un dernier élément disputé. En effet, l’Autorité palestinienne réclame être l’héritière de la moitié des eaux du Jourdain alloué à la Jordanie en 1956 (plan Johnston), soit de 150 à 250 millions de m3 d’eau par an selon les estimations. Cette revendication fait cependant fi des accords israélo-jordaniens de 1994 et " oublie " la surexploitation syrienne des eaux du Yarmouk.

Il ne nous appartient pas de trancher sur la plus grande légitimité de l’un ou l’autre des points de vue, mais de constater simplement qu’il est d’une part très difficile pour Israël de renoncer au contrôle de plus du tiers de ses besoins en eau, et de perdre le quart de ses ressources en eau pour satisfaire aux demandes palestiniennes.

Mais du côté palestinien, on comprend la nécessité de contrôler les approvisionnements en eau pour ne plus dépendre des l’alimentation fournie par Mekorot. Il apparaît dans les deux cas que les réalités politiques l’emportent bien souvent sur les problèmes réels : les Palestiniens font remarquer qu’Israël garde grâce à sa maîtrise de l’eau un moyen de contrôler le futur nouvel Etat palestinien, tandis que les Israéliens constatent que les revendications palestiniennes sur l’eau se sont fait entendre surtout depuis la grande sécheresse de 1988-1991, et pourraient bien n’avoir que peu de lien avec les réalisations effectives des Israéliens en matière d’exploitation de l’eau...

Quoiqu’ilensoit,ilapparaîtqu’une coopération est le meilleur moyen d’assurer aux deux nations la sécurité et la juste répartition des ressources, le droit international y invitant grandement. En effet, la gestion conjointe et partage équitable sont les concepts actuels dominants dans les traités juridiques. Par conséquent, négociations et compromis sont inévitables.

L’accord du 28 septembre 1995, dit Oslo II, en fut la première étape. Il étend le contrôle de l’Autorité palestinienne à six grandes villes de Cisjordanie et l’article 40 de l’accord stipule que " Israël reconnaît les droits des Palestiniens sur l’eau en Cisjordanie ", et accorde 28 millions de m3/an supplémentaire aux Palestiniens. Enfin, une commission mixte pour la gestion des ressources en eau est prévue. La situation actuelle ne permet pas d’approfondir ce début de rapprochement, mais il faut noter qu’en dépit de la deuxième Intifada, la coopération semble se poursuivre.

C. Pourquoi rêver à une coopération régionale ?

Les évènements récents ne prêtent pas à la poursuite des projets élaborés en tant de paix, mais il est important d’en mentionner certains, car ils concernent l’ensemble de la région et sont susceptibles d’être repris si les tensions s’apaisent. Surtout, ils semblent apporter les meilleures réponses au problème de l’eau, montrant que celui-ci n’est pas insoluble.

Deux projets concernent le bassin du Jourdain.

Le premier est le projet d’un canal Mer Rouge-Mer morte, qui a vu le jour après les accords de paix israélo-jordaniens. Il s’agirait d’utiliser le dénivelé de la dépression de la mer Morte (300m sous la mer) pour fournir de l’énergie à une centrale hydroélectrique qui alimenterait en retour une usine de dessalement d’eau de mer. L’idée remonte à Herzl, mais en dépit de multiples plans, n’a pour l’heure pas été mise en application, en partie du fait de contraintes techniques et du coût que cela engendrerait, de l’ordre de deux milliards de dollars. Le second projet était encore envisagé dans les négociations de 2000, celui d’une canalisation souterraine reliant Haifa au sud du lac de Tibériade, utilisant le même processus du dénivelé pour dessaler de l’eau de mer pompée en Méditerranée. L’avantage retiré serait une réalimentation des eaux du Jourdain, qui profiterait à l’ensemble des pays utilisateurs du fleuve (Israël, Palestiniens, Jordanie). Ce projet a en outre l’intérêt d’être moins coûteux que le précédant (de l’ordre de 400 à 500 millions de dollars).

Un dernier projet concerne les relations entre l’Egypte, Israël et les Palestiniens. Elaboré en mars 1992, il s’agit d’une usine de dessalement conjointe sur la frontière israélo-égyptienne. L’idée date de 1969, mais fut rejetée à l’époque pour des problèmes politiques. Cette usine pourrait fournir 150 à 200 millions de m3/an à Gaza, l’Egypte et Israël.

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