vendredi, décembre 08, 2006

N° 205 - Journal de Palestine - Special dossier - 08-12

1Les brèves
1-1 Majid al-Barghouty : Au nom de la légalité et de la rationalité.
1-2 Point de vue de Nabil Chaath : Une vraie politique arabe réaliste doit voir le jour.
2 Dossier
2-1 Point de vue de Khaled Amayreh : Armée meurtrière.
2-2 Point de vue de Raafat Dajani : Oubliez l'idée d'un Etat binational en Palestine.
2-3 Point de vue de Henri Wajnblum : Avigdor Lieberman au pouvoir … L'Union Européenne aux abonnés absents
3 Courrier des lecteurs & trouvé sur le net
3-1 Ghassan Abdullah : Je veux garder ma femme !
5 Annexe
4-1 Point de vue de James Abourezk* : À propos de votre étude sur Noam Chomsky.
1Les brèves
Ndlr : PS : La publication des articles ou analyse ne signifie nullement que la rédaction partage les analyses ou point de vue des auteurs, mais doit être vu comme information
Marc1-1 Majid al-Barghouty : Au nom de la légalité et de la rationalité. Au nom de la légalité et de la rationalité, certains politiciens, écrivains et journalistes veulent étouffer l'esprit de la résistance, de la fierté et de la dignité dans les esprits des Arabes libres, musulmans et chrétiens. Au nom de la légalité et de la rationalité, ils veulent consolider les régimes qui ne luttent que contre leurs peuples.Ils luttent contre ceux qui résistent aux ennemis de la nation... Ils luttent contre les vivants et les martyrs qui ont donné leur vie sans obtenir, de leurs régimes, ni argent, ni poste, ni médaille, au contraire, certains d'entre eux n'ont trouvé que réprobation et abandon de la part des régimes qui les ont accusés d'aventurisme.Combien de régimes arabes ont accordé de médailles ou d'insignes au Sayyid Hassan Nasrullah, le dirigeant arabe libanais et le croyant libre, ou à ses hommes libres, ou à tous les résistants comme eux en Palestine, en Irak ou ailleurs ? Les résistants n'ont pas besoin de médailles de la part de régimes qui sont, ouvertement ou non, dans les camps des agresseurs. Mais ils ont reçu les remerciements de millions de libres dans ce monde.Au nom de la légalité et de rationalité, ils veulent vider la légalité de son contenu réel, qui signifie la défense de la liberté, de la dignité et de la justice, et la défense des intérêts du pays et de ses habitants. Ils veulent vider la rationalité de son contenu réel qui signifie la protection des esprits contre le suivisme, la faiblesse et l'acceptation de l'irrationnel.Au nom de la légalité et de la rationalité, les théoriciens se mettent à attaquer la résistance et les résistants en Palestine, ils attaquent le Hizbullah au Liban, ils attaquent les résistants à Baghdad, à Fallouja et sur les rives des Rafidayn (Irak). Ceux qui critiquent les résistants doivent être des résistants eux-mêmes et non pas des pions de l'ennemi, afin que l'on croit ce qu'ils disent.Ces résistants ont fait de nos paroles, de nos poèmes, de nos rêves, et de leurs coeurs et leurs âmes des murs d'acier face à l'occupation israélienne et américaine.. Ceux-là sont la légalité et la rationalité. Ceux-là, dont nous ne connaissons pas les noms et dont nous n'avons pas lu les articles... car ils ont fait comme disent les héros à propos de l'héroïsme, et ce que disent les libres à propos de la liberté.Que tous ceux qui sont attaqués comparent entre ce qu'ils font et ce que font les autres, qu'ils comparent entre ce qu'ils emportent avec eux de cette vie et ce qu'emportent ceux qui les critiquent, qui ne savent pas, souvent, ce qu'ils disent.Au nom de la légalité et de la rationalité, certains d'entre nous protègent l'occupation, les occupants, la corruption, les corrupteurs et les corrompus, et pour la vraie légalité et la vraie rationalité, les martyrs tombent sans médailles.. Il leur suffit les chants et les larmes de leurs mères. Il leur suffit d'être honorés par leurs semblables, il leur suffit d'être éternels.
wa3ad.org3/12/06Traduction Centre d'Information sur la Résistance en Palestine
1-2 Point de vue de Nabil Chaath : Une vraie politique arabe réaliste doit voir le jour.
Palestine-Israël . Nabil Chaath, conseiller du président Abbass et ancien chef de la diplomatie palestinienne, estime que le moment est opportun pour relancer la paix
Al-Ahram Hebdo : Pourquoi le monde reparle-t-il subitement en ce moment de processus de paix ?
Nabil Chaath : Parce que de nombreux changements ont eu lieu, la détérioration de la situation en Iraq, le choix nucléaire iranien et le statu quo dangereux en Palestine. A ceci s’ajoute la défaite du président Bush et des Républicains aux élections du Congrès, une déconvenue due surtout à la politique de la Maison Blanche au Proche-Orient. Et l’autre facteur est celui de la défaite des Israéliens au Liban, qui a eu l’effet d’un tremblement de terre en Israël, et que peut-être nous n’apprécions pas dans ses justes proportions. Ces événements poussent à croire que le statut actuel des choses n’est plus possible et pourrait engendrer des situations plus dangereuses.
— Jugez-vous alors sérieux ce ballet diplomatique et ces déclarations autour du processus de paix ?
— Le changement est perceptible, mais je ne sais pas où il mènera. J’ai assisté en Finlande à la réunion entre les pays de l’Union européenne et ceux de la Méditerranée et j’ai entendu tout le monde évoquer le sujet. J’ai relevé un sérieux que je n’avais pas remarqué depuis des années. Les Européens semblent disposés à accepter un gouvernement d’union nationale et à mettre fin au blocus économique. Je pense qu’ils sont assez attentifs à la question mais aucun détail n’a encore filtré concernant l’initiative espagnole. Cependant, du côté américain, rien n’a encore bougé. S’ils veulent avancer, qu’ils mettent fin d’abord au blocus, cette punition collective des Palestiniens.
— Comment ce processus de paix peut-il être relancé sans une forte implication américaine ?
— C’est vrai et c’est pourquoi une nouvelle prise de position arabe doit voir le jour. Il faut leur dire que leurs intérêts dans la région ne vont pas avancer si les nôtres restent immobiles, que nos relations restent tributaires des problèmes de l’Iraq, de la Syrie et de la Palestine. Une vraie politique arabe réaliste, c’est cela qui est requis aujourd’hui. Je crois qu’il est temps pour les Arabes d’élaborer une vision globale avec une stratégie claire.
— Pourquoi les Arabes changeraient-ils aujourd’hui d’attitude après des années de passivité ?
Au lendemain du 11 septembre, les Arabes étaient timorés. Leurs comportements émanaient d’une position de faiblesse, de crainte d’être accusés de « terrorisme islamique ». Parallèlement, les Américains se comportaient comme s’ils avaient vaincu le monde entier, une position de force. Ce changement se fait remarquer si l’on compare l’attitude des Arabes vis-à-vis de la première guerre du Golfe et de la seconde. La première a mené à Oslo et au premier retrait israélien et la seconde à la Feuille de route sans véritable valeur. Les changements en cours ne sont pas marginaux, et n’émanent pas, comme beaucoup le croient, d’une tentative de gagner du temps. C’est plutôt un résultat d’un constat d’échec, échec de la politique américaine et échec de l’utilisation exagérée de la force par Israël. C’est pourquoi il y a un intérêt à chercher une alternative. La marge est plus importante en ce moment et il faudrait la saisir. Je ne suis pas pessimiste, la nouvelle attitude de Khaled Mechaal est porteuse d’espoir et la solution à travers un gouvernement d’union nationale est toujours possible en Palestine, au Liban et en Iraq.
Nabil Chaath
Samar Al-Gamal
Source : Al-Ahram hebdo http://hebdo.ahram.org.eg/...
2 Dossier
Ndlr : PS : La publication des articles ou analyse ne signifie nullement que la rédaction partage les analyses ou point de vue des auteurs, mais doit être vu comme information
2-1 Point de vue de Khaled Amayreh : Armée meurtrière.
Il ne fait aucun doute que l’armée israélienne d’occupation essaie à tout prix de faire exploser l’accord de cessez-le-feu dans la Bande de Gaza (le terme de cessez-le-feu est d’ailleurs lui-même trompeur puisqu’il donne une fausse impression de parité entre les occupants israéliens et les victimes palestiniennes de l’occupation). Et le meilleur moyen d’y arriver est de continuer à assassiner les civils palestiniens, saccager leurs maisons, enlever les militants et les officiels politiques palestiniens et terroriser les gens ordinaires en Cisjordanie.Le dimanche 3 décembre, les soldats de l’occupation israélienne ont tué un jeune de 14 ans dans le camp de réfugiés d’Askar, près de Naplouse. Selon l’armée israélienne, le garçon, Jamil Abdul Karim, avait jeté une pierre sur un blindé israélien et devait donc être exécuté. Un autre adolescent palestinien a été également exécuté, de la même manière, à Beit Inun, près d’Hébron, à la fin de la semaine.Je me demande à quelle armée nous avons affaire, qui ordonne à ses soldats de viser à la tête des enfants parce qu’ils ont jeté une pierre sur des soldats parfaitement protégés et armés jusqu’aux dents ?Certainement pas à une armée de professionnels, mais une armée de brutes, de voyous et de criminels de droit commun. Je ne peux pas non plus comprendre pourquoi les juifs sont fiers d’une telle armée. Bon, je suis peut-être naïf. Après tout, les humains peuvent s’abaisser jusqu’à des niveaux inimaginables de bassesse moral et de bestialité.Les Allemands n’étaient-ils pas fiers de leur Gestapo, SS et Wehrmacht ? Si les Allemands ont pu s’avilir au plus bas niveau de cannibalisme national, pourquoi les juifs ne le pourraient-ils pas ? Après tout, la « race des maîtres » n’est pas supérieure au « peuple élu » !Bien entendu, les dirigeants israéliens, en particulier lorsqu’ils parlent aux médias occidentaux, soutiennent avec force qu’Israël est sincère dans son souhait de maintenir le cessez-le-feu et fait preuve de retenue en face des provocations palestiniennes.Mais de quelle retenue ces menteurs parlent-ils ? Est-ce que ce sont les rafles quotidiennes de douzaines de Palestiniens innocents utilisés comme otages et utilisés comme monnaie d’échange pour faire chanter l’Autorité Palestinienne et le gouvernement dirigé par le Hamas ? Ou bien ce sont les raids et incursions routiniers dans les villes palestiniennes comme Naplouse, Jenin, Ramallah, Tulkarem et Hébron ?J’écoute régulièrement la radio israélienne, et il ne se passe pas un jour sans une nouvelle avalanche d’arrestations de gens innocents qualifiés de manière indécente par les médias israéliens de « fuyards » !La vérité, c’est que l’armée israélienne d’occupation, qui est dominée par des fanatiques talmudiques qui ne comprennent que le langage du meurtre, de l’assassinat et du bain de sang, est anti-paix, anti-calme, anti-trêve et anti-décence humaine.Cette humeur belliqueuse néo-nazie a peu à voir avec le comportement actuel des Palestiniens totalement harcelés, qui n’ont aucun intérêt à pousser Israël à commettre de nouveaux massacres, comme le carnage du mois dernier à Beit Hanun.La véritable raison, c’est la laideur brutale de la mentalité de l’armée israélienne, qui refuse de voir les Palestiniens comme des êtres humains dignes et égaux, des gens ordinaires qui ont des droits humains et politiques comme le reste de l’humanité.C’est une armée qui a grandi en voyant tous les Palestiniens comme des ordures, de la vermine et des animaux sales qui doivent être exterminés. C’est une armée pour qui les vies palestiniennes sont insignifiantes, facultatives et sans valeur. En fait, on exagère très peu si on dit que la perception israélienne des Palestiniens est plus ou moins comparable à la manière dont la Gestapo et la Wehrmacht voyaient les juifs.Ainsi, ces soldats, officiers et généraux puissants, qui pensent qu’ils vengent l’holocauste en assassinant à loisir des femmes et des enfants palestiniens à Beit Hanun et à Naplouse, sont toujours enclins à refuser de voir un semblant d’égalité humaine entre l’impérial lsraël et les Palestiniens presque vainqueurs.C’est la raison pour laquelle ils s’opposent avec véhémence à l’extension du cessez-le-feu à la Cisjordanie. Bon, c’est quand même très ironique de parler de cessez-le-feu en Cisjordanie ! Où est le « feu » en Cisjordanie ? Où est l’armée palestinienne ?Comme armée intrinsèquement raciste, l’armée israélienne d’occupation est aussi farouchement opposée à tout soulagement des souffrances des Palestiniens, comme la réduction du nombre des humiliations, connues sous le nom de barrages et blocages routiers, ou l’assouplissement des restrictions draconiennes de mouvement des Palestiniens, des biens et des services à travers la Cisjordanie.Ils veulent donc simplement maintenir des millions de Palestiniens de Cisjordanie dans un état constant de souffrance et de persécution totales puisque soulager ces souffrances permettrait, parmi les Palestiniens, une dose de sérénité mentale qui pourrait renforcer la résilience de tous les Palestiniens. Et ça, ce n’est pas bon pour le sionisme.Il est certain qu’un cessez-le-feu durable avec les Palestiniens n’enthousiasme pas le gros de l’establishment politico-militaire de droite israélien, de peur que l’atmosphère positive qui en découlerait puisse éventuellement mener à une sorte de paix, ou de calme. Et la paix, comme nous le savons tous, est un anathème pour Israël et le sionisme.En fait, il n’est pas inconcevable que l’appareil militaire droitiste ne fomente, à un certain moment, un coup d’Etat contre le gouvernement israélien si ce dernier osait signer, avec les Palestiniens, un quelconque accord de paix.Une telle hypothèse (un accord de paix avec les Palestiniens), aussi éloignée qu’elle soit, serait la ligne rouge pour des dizaines de milliers d’Israéliens dont les carrières sont étroitement liées et imbriquées avec une guerre sans fin avec les Palestiniens.Evidemment, comme les nazis ont vécu des meurtres des juifs et autres, beaucoup, en réalité beaucoup trop d’Israéliens vivent et prospèrent des massacres des Palestiniens, détruisant leurs maisons, volant leur terre et les maintenant dans un perpétuel assujettissement. Ce qui est la principale raison pour laquelle l’appareil militaire israélien est opposé à un véritable cessez-le-feu avec les Palestiniens...
Khaled Amayreh
Source : Palestine Info
Traduction : MR pour ISM
2-2 Point de vue de Raafat Dajani : Oubliez l'idée d'un Etat binational en Palestine.Alors que la progression vers une solution à deux Etats au conflitisraélo-palestinien est dans l'impasse, une vieille idée refait surface danscertains cercles, celui d'un Etat binational pour les Israéliens et lesPalestiniens. Cette idée a un certain nombre de variantes, mais pourl'essentiel, ses partisans appellent à abandonner l'idée de deux entitésnationales distinctes. A la place, les Israéliens et les Palestinienspartageraient la terre située entre la Méditerranée et le Jourdain.L'idée d'un Etat binational n'est pas nouvelle. Plusieurs intellectuelsjuifs de la Palestine mandataire, entre les deux guerres, avaient défenducette solution, mais ils n'avaient que peu d'influence. A l'origine, l'OLP adéfendu la création d'un Etat palestinien arabe et démocratique sur toute laPalestine mandataire, dont les Juifs seraient citoyens. En 1987, l'OLP et leConseil national palestinien a adopté la solution de deux Etats, enréclamant la création d'un Etat palestinien sur tous les territoires occupéspar Israël en 1967. Cela continue d'être la position de l'OLP et duprésident palestinien Mahmoud Abbas.La nouvelle réapparition de l'idée binationale est essentiellement due àl'absence de progression vers une solution négociée à deux Etats, ainsi qu'àce qui paraît être des faits acccomplis et irrévocables sur le terrain desTerritoires occupés, qui éloignent la possibilité d'un Etat palestinienindépendant et viable.Ce qui séduit dans l'idée binationale, c'est qu'elle paraît raisonnable enthéorie. Les faits accomplis israéliens sur le terrain, les colonies, lecontrôle des ressources vitales et l'appropriation de parties indispensablesà un futur Etat palestinien, dont Jérusalem Est, par le moyen de la barrièrede séparation, constituent de sérieuses menaces pour le concept de deuxEtats. L'idée d'"un homme, une voix" est fondamentalement démocratique. Laterre en question est petite, et dans une certaine mesure, les deux sociétéssont imbriquées l'une dans l'autre.Mais, quelles que soient les bonnes intentions des partisans d'un Etatbinational, leurs arguments pâtissent d'erreurs fatales. La première est quecette idée n'a aucun soutien sur le plan international. Aussi bien lesEtats-Unis que l'Union européenne et la Ligue arabe soutiennent une solutionà deux Etats. Plus important : la plupart des Palestiniens continuent àvouloir exprimer leurs aspirations nationales dans un Etat indépendant àeux, où ils ne seraient pas des citoyens de seconde zone.Du côté israélien, l'idée binationale ne dispose d'aucun soutien. Poursupposer que les Juifs israéliens renonceraient de leur plein gré à l'idéed'un Etat juif, il faut ne rien comprendre au besoin existentiel des Juifspour un Etat à eux, après des siècles de persécutions qui ont culminé avecla Shoah. Pour les Israéliens et les Juifs, un Etat binational signifie unEtat dans lequel ils seront en minorité, ce qui équivaut à leurs yeux à unappel à leur destruction.Pour les Palestiniens, le danger qu'il y a à évoquer aujourd'hui la solutionbinationale est qu'il détourne dangereusement leurs énergies d'un objectifencore réalisable de deux Etats. Cela détruirait aussi des dizaines d'annéesde travail fourni en vue d'obtenir la reconnaissance internationale d'unEtat palestinien. Et les Palestiniens retourneraient à la case départ.L'hypothèse selon laquelle les Israéliens renonceraient de leur plein gré àun Etat juif étant irréaliste, l'idée binationale condamne les deux peuplesà des décennies de conflit, à la poursuite d'un objectif irréalisable..Et même si, miraculeusement, pareil Etat venait à naître, il est probableque les Palestiniens y formeraient une classe défavorisée. Pire, avec unehistoire pleine de violences entre Juifs et Arabes, il est aisé de prédireque leur relation dégénèrerait en un conflit entre communautés.Ce qu'il faut faire à présent, c'est se reconcentrer sur les efforts àaccomplir pour surmonter les obstacles à une solution à deux Etats, dont lesparamètres sont bien connus et acceptés par toutes les parties : un Etatpalestinien sur la base des frontières de 1967, avec sa capitale à JérusalemEst, et un règlement négocié du problème des réfugiés. Concernant lescolonies israéliennes sur le territoire palestinien occupé, bien qu'ellessoient illégales au regard du droit international, il est également reconnuque certains blocs de colonies, qui représentent 4 à 5% de la Cisjordanie,pourraient être incorporées à l'Etat d'Israël dans le cadre d'un échange deterritoires négocié et équitable. Le reste des colons retourneraient enIsraël proprement dit. L'application du pouvoir politique peut séparer lescolons des colonies et abattre des murs. Cela est possible parce qu'unemajorité d'Israéliens se rend compte aujourd'hui que l'entreprise decolonisation a été un obstacle à la paix.Le temps presse pour résoudre le conflit israélo-palestinien. C'est laraison pour laquelle Israéliens Palestiniens et Américains doivent conjuguerleurs efforts pour créer un Etat palestinien viable, ayant une continuitégéographique, et qui vivrait en paix à côté de l'Etat d'Israël. Cet Etat estle seul moyen pour les Palestiniens de répondre à leurs aspirationsnationales tout en répondant aussi aux besoins d'Israël en matière desécurité et d'intégration au Moyen-Orient.Il sera bien entendu difficile de parvenir à une solution à deux Etats, maisla remplacer par quelque chose de beaucoup moins réalisable encore n'est pasla réponse. L'alternative à deux Etats, c'est un conflit qui continuera ets'étendra encore, avec un réel danger de dégénérer en une guerre sainteentre juifs et musulmans. A la fin de ce conflit, il ne restera ni deux, niun Etat.Transmis par MidEast Web for Middle East Peace Education and Dialogue
http://www.dailystar.com.lb/article.asp?edition_id=1&categ_id=5&article_id=77456http://www.mideastweb.org/Daily Star, 7 décembre 2006Trad. : Gérard pour La Paix Maintenant
2-3 Point de vue de Henri Wajnblum : Avigdor Lieberman au pouvoir … L'Union Européenne aux abonnés absents.[beitjala] Editorial de décembre de Points Critiques, le Mensuel de l'UPJB«Vous comprendrez que nous ne pouvons pas nous immiscer dans la constitution d'un gouvernement étranger. C'est là une matière dont seul l'Etat concerné est responsable» écrivait récemment Cristina Gallach, porte-parole officielle de Javier Solana, le Haut représentant européen pour la politique étrangère. Cela signifiait-il que l'UE allait enfin lever l'embargo sur l'aide financière à l'Autorité palestinienne ? Vous n'y êtes pas du tout. Cristina Gallach répondait ainsi à la question de savoir si l'UE imposerait des sanctions à Israël au cas où Yisrael Beiténou, le parti russophone raciste d'Avigdor Lieberman, rejoindrait le gouvernement Olmert-Peretz !Aujourd'hui, non seulement Yisrael Beiténou a rejoint le gouvernement, mais Lieberman en est devenu le vice-premier ministre chargé des Affaires stratégiques, et l'UE ne s'est en effet pas immiscée dans ce qu'elle considère comme une affaire israélo-israélienne.Si nous comprenons bien, L'UE considère qu'elle n'a pas le droit de s'immiscer dans les affaires intérieures d'un Etat comme l'est l'Etat d'Israël, mais qu'elle peut parfaitement le faire dans celles d'un non-Etat comme l'est le non-Etat de Palestine. Peu lui importe que si Gaza et la Cisjordanie ne constituent toujours pas un Etat, c'est uniquement parce que Israël n'en veut pas.S'arrogeant donc le droit de s'immiscer dans la constitution du gouvernement du non-Etat de Palestine, l'UE exige de lui, pour rétablir son aide financière, qu'il reconnaisse le droit d'Israël à l'existence dans les frontières d'avant le 5 juin 1967, qu'il entérine les accords passés entre Israël et l'Autorité palestinienne, et qu'il renonce à la violence…Et la réciproque ?Le tout nouveau vice-premier ministre israélien n'est pas entré au gouvernement les mains vides. Il est porteur d'un projet : «Ce que je veux c'est une vraie solution et non une solution comme celles qu'on a cherchées par le passé. Dans les accords d'Oslo I et II on a rétrocédé des territoires et on a autorisé la présence de forces militaires pour garantir le respect des engagements pris.Ce que je veux, moi, c'est un échange de territoires et d'habitants. Il faut retracer toute la région entre le Jourdain et la mer de façon à avoir les Juifs d'un côté et les Arabes de l'autre. La solution que je propose prévoit la modification des frontières de sorte à exclure de nos territoires les agglomérations des Arabes israéliens qui seraient placées sous autorité palestinienne, et à y inclure la plupart des agglomérations juives, notamment celles du Triangle qui seraient placées sous souveraineté israé-lienne», déclarait-il dans une interview publiée le 25 décembre 2004 dans www.hazofe.co.il. Et d'ajouter : «La vision que j'aimerais avoir ici, c'est le ferme établissement de l'Etat juif et sioniste… La démocratie a toute ma faveur, mais lorsqu'il y a contradiction entre valeurs démocratiques et valeurs juives, les valeurs juives et sionistes sont plus importantes.». On se demande de quelles valeurs juives il peut bien vouloir parler. Ce ne sont certainement pas les nôtres.Pas de frontières de '67 donc pour Lieberman et pas de reconnaissance des accords passés. Pas d'abandon du recours à la violence non plus… «Je n'hésiterais pas à envoyer, pour 48 heures, l'armée israélienne dans toute la zone A. Détruire le fondement de toute infrastructure militaire de l'Autorité, tous les bâtiments de la police, les arsenaux, tous les postes des forces de sécurité… Ne pas laisser une pierre sur une autre. Tout détruire.», déclarait-il déjà en 2002 alors qu'il occupait le fauteuil de ministre des Transports dans le premier gouvernement Sharon. Et d'en rajouter une couche en suggérant que tous les prisonniers palestiniens détenus en Israël soient noyés dans la Mer Morte, s'offrant même à fournir les bus pour les y conduire (Ha'aretz du 11 juillet 2002). Certains, en Israël, ont comparé Avigdor Lieberman à Jorg Haider, à quoi Akiva Eldar, un des grands éditorialistes de Ha'aretz a répondu que rien n'était plus inexact… Jorg Haider, écrivait-il, n'a en effet jamais proposé de "nettoyer" l'Autriche de ses minorités ethniques.A quand l'appel d'un responsable européen, et pourquoi pas de notre Commissaire Louis Michel, à ne pas aller se dorer au soleil d'Eilat tant qu'un raciste notoire, chantre de l'épuration ethnique, occupera les fonctions de ministre dans le gouvernement israélien ? A quand aussi, venant de l'Internationale socialiste et du président du PS, une condamnation ferme du parti travailliste israélien qui a fait passer sa soif de pouvoir avant les idéaux de démocratie qu'il est supposé porter ?Beit Hanoun"Cela me fait très mal de dire que les actes de l'Etat d'Israël à Beit Hanoun ne sont rien moins que du terrorisme d'Etat (…)". Voilà qu'"il" remet ça se diront encore ceux que ce que j'écris sur le thème Israël-Palestine a le don, pour le moins, de prodigieusement exaspérer. Qu'ils se détrompent, cette phrase n'est pas de moi, elle est extraite d'un article de Gershon Baskin dans le Jerusalem Times daté du 8 novembre. Dans cet article, intitulé "Mr Peretz, "homme de paix", à ne plus vous revoir !" Gershon Baskin s'adresse à Amir Pertez en ces termes : "Depuis le 25 juin 2006, alors que vous étiez en fonction, Mr Peretz, plus de 350 Palestiniens ont été tués. Plus d'un tiers d'entre eux étaient des civils, dont au moins 57 mineurs. Au terme d'un raid de destructions et de tueries de six jours à Beit Hanoun, au nord de la bande de Gaza, vous, Mr Peretz, avez dit que cette opération était un succès, et que les habitants de l'ouest du Néguev pouvaient désormais dormir tranquilles (…). Mr Peretz, un "homme de paix" ? Les hommes de paix ne célèbrent pas la mort d'innocents."La déception de Gershon Baskin est certainement à la mesure des espoirs qu'il avait mis en Amir Peretz en votant pour lui. Au lendemain des élections israéliennes du 28 mars dernier, certains, en Israël et ici, n'avaient en effet pas hésité à titrer sur le "retour de la gauche". La gauche ? Quelle gauche ?Avant qu'on ne nous accuse à nouveau d'unilatéralisme dans la critique, disons sans ambages que nous condamnons fermement les tirs de Qassam sur Sderot et les morts civiles qu'ils provoquent. Mais, ainsi que l'écrit cet autre grand éditorialiste de Ha'aretz, Gideon Levy : "Personne ne s'interroge sur le rapport existant entre d'un côté, les dégâts occasionnés par les roquettes Qassam et de l'autre, le nombre de morts et l'ampleur des destructions, dont le bombardement de la centrale électrique, à Gaza, un territoire où sont emprisonnés un million et demi de personnes, appauvries et affamées. Ces opérations futiles n'arrêteront pas les roquettes Qassam qui sont destinées à rappeler, douloureusement, à nous-mêmes et au monde, la détresse des habitants de Gaza, enfermés et boycottés, auxquels, n'étaient les roquettes Qassam, nul ne prêterait attention. Le moyen de lutter contre les roquettes Qassam, c'est de cesser le boycott, de s'asseoir à la table des négociations et d'arriver à un accord. Sinon, nous poursuivrons notre dégringolade et continuerons à être insensibles aux pertes en vies humaines chez eux, et très vite aussi chez nous."Car, plus grave encore que le non retour de la gauche, c'est le degré d'insensibilité qu'atteint peu à peu la société israélienne dans son ensemble. Ecoutons encore Gideon Levy : "La phase actuelle de la dégringolade morale a commencé avec les assassinats dans les Territoires. Au début, il y avait encore débat sur leur degré de légalité et de justification. Combien se souviennent encore qu'ils étaient autrefois limités, du moins en paroles, aux «bombes à retardement», aux menaces immédiates? La Cour suprême, dans sa couardise, s'est abstenue depuis des années de prendre position sur cette matière, et le projet des assassinats s'est développé jusqu'à atteindre des proportions monstrueuses. Au cours des derniers mois, il ne s'est pour ainsi dire pas passé un jour sans que des Palestiniens soient tués à Gaza, et au lieu de demander pourquoi ils sont tués, nous faisons bon accueil à un Premier Ministre qui s'enorgueillit, devant le Comité des Affaires étrangères et de Sécurité, de la mort de «300 terroristes» en quatre mois, comme si le fait de tuer était en soi un fameux exploit. C'est le message éducatif d'Ehoud Olmert, et il est infiniment plus grave que toutes les affaires de présomption de corruption dont il est soupçonné. Nul ne s'est levé pour demander qui étaient ces Palestiniens tués. Au-delà du nombre terrifiant de civils tués, dont des dizaines de femmes et d'enfants, il faut aussi demander si tout homme armé à Gaza mérite une condamnation à mort sans jugement. Du jour où l'armée israélienne a commencé les opérations de liquidations, notre sensibilité à la vie humaine était condamnée à être totalement éradiquée."Henri WajnblumEn juin 2002, Michel Warchawski, de passage à Bruxelles, lançait cet appel à l'Europe: Sanctionnez-nous avant que nous ne commettions l'irréparable. Il serait grand temps que l'Europe l'entende.
3 Courrier des lecteurs & trouvé sur le net
Ndlr : PS : La publication des articles ou analyse ne signifie nullement que la rédaction partage les analyses ou point de vue des auteurs, mais doit être vu comme information
3-1 Ghassan Abdullah : Je veux garder ma femme !
Israel a décrété que mon épouse et moi ne pouvions plus vivre ensemble. Je suis Palestinien et elle est Suisse et nous sommes mariés depuis 28 ans. Elle a deux semaines pour quitter les Territoires Palestiniens Occupés. Le Ministère de l'Intérieur israélien a inscrit sur son passeport suisse : "DERNIER VISA".Nous habitons ensemble à Ramallah depuis 12 ans.
Nous sommes venus en 1994, après les Accords d'Oslo, quand les perspectives de "paix" et de développement nous ont encouragé à nous installer en Cisjordanie.Mon épouse Anita parle Arabe, elle aime le paysage, elle prépare des plats Arabes, et elle s'occupe bien mieux que moi de la maison de mon grand-père située dans le village, un vieux bâtiment de pierre ainsi que des plantes du jardin. Elle vote aux élections palestiniennes en tant que conjointe d'un Palestinien. Elle est active dans l'association locale de la santé publique. Elle a ainsi beaucoup d'amis ici et se considère comme chez elle. Elle a toujours son élément et ses contacts européens, mais elle ne veut pas être séparée de cet environnement ou de moi, et je ne veux certainement pas être séparé d'elle. Nos enfants sont grands et ils travaillent à l'étranger. Mais ils ne sont pas sûrs eux aussi d'être autorisés à venir nous voir ici. Il y a quelques mois, alors qu'elle venait nous rendre visite à Ramallah, notre fille, qui a un passeport suisse, a été retardée pendant six heures à l'aéroport de Tel Aviv et a eu droit à un interrogatoire serré lorsqu'elle a atterri. Elle a eu de la chance. D'autres sont expulsés vers l'endroit d'où ils ont décollé, souvent en passant une nuit ou plus dans le fameux "centre" de détention de l'aéroport.Au cours des 12 dernières années, Anita est parvenue à rester ici en renouvelant diligemment son visa ou en partant et en revenant tous les trois ou six mois pour se conformer à la "loi" israélienne qui est appliquée dans les Territoires Palestiniens Occupés. Elle se bat maintenant pour rester ici à mes côtés en allant voir un avocat et les tribunaux israéliens, en espérant une injonction pour pouvoir rester jusqu'à ce qu'un verdict soit rendu.Elle est également en contact avec son ambassade, et elle s'est jointe à d'autres personnes dans la même situation fâcheuse pour s'adresser à l'Union Européenne et au consulat Américain, et pour parler aux organisations des droits de l'homme, israéliennes et palestiniennes, et aux médias.
Nous ne savons pas quoi faire. Mais nous devons le faire rapidement.
Qu'allons-nous faire de notre vie ensemble, de nos papiers et de nos comptes, des centaines de petites choses que nous partagions ? Qu'allons-nous faire du nouvel appartement que nous avons fait "l'erreur" d'acheter au mauvais moment ? Elle était très excitée de choisir les tuiles et la façon d'aménager la cuisine. Nous ne pouvons pas croire, ou accepter, que nous allons être séparés. Cependant, nous le croyons quand nous voyons d'autres couples ou familles "mixtes" qui ont été ou qui vont être séparés autour de nous.Depuis le printemps dernier, les Autorités de l'Occupation Israélienne ont augmenté la pression sur les détenteurs de passeports étrangers en leur refusant l'entrée dans les secteurs palestiniens. Ceux qui sont affectés incluent des Palestiniens ayant des passeports étrangers ou des épouses étrangères, des maris, des enfants, des parents et d'autres membres de la famille. Cela inclut également les ressortissants étrangers, qui viennent pour enseigner dans les universités, pour travailler ou comme volontaire dans des organisations non-gouvernementales locales ou étrangères, des experts avec divers projets souvent financés par les pays européens, des sympathisants ou des activistes des droits de l'homme.Bitakhon est le mot magique en Israel. Au nom du Bitakhon, ou de la sécurité, les autorités israéliennes peuvent prendre des mesures illégales, inhumaines, immorales ou agressives contre la population palestinienne sous occupation militaire. Elles peuvent jeter le mot Bitakhon au visage de n'importe quel diplomate européen ou étranger qui remet en cause l'une de leurs mesures, même lorsque ces mesures vont à l'encontre des droits de l'homme, de la loi internationale et humanitaire, ou de la Quatrième Convention de Genève qui régit la conduite des puissances occupantes à l'égard des populations occupées. Pour les Palestiniens, il semble parfois qu'un fonctionnaire de troisième grade dans n'importe quel ministère israélien peut effrayer l'ensemble de l'Union Européenne et ses responsables en invoquant la "sécurité" des Israéliens, ou en laissant entendre ce que l'Europe a fait aux juifs.Mon épouse n'est pas la seule à avoir reçu un ultimatum la semaine dernière. Des dizaines d'autres épouses, maris et enfants qui vivaient en Cisjordanie depuis des années en renouvelant tous les trois mois leurs visas de "touristes" délivrés par les Israéliens afin de pouvoir rester, ont obtenu de courtes prolongations, aucune n'excédant la fin de cette année. Les enfants devront quitter leurs écoles et seront séparés de leurs parents, ou de l'un d'entre eux. Des mères, des pères, des soeurs, des frères et des grand-pères de familles étendues locales seront déchirés. Des centaines d'autres attendent également leur destin dans les prochains jours et semaines.Des milliers de personnes n'ont pas eu le droit cet été de rendre visite à l eurs familles, leurs maisons et leurs racines. L'été est souvent la saison des mariages pour les Palestiniens séparés par différents passeports ou identifications et les festivités remplissaient habituellement les nuits d'été de musique et de danse. Pas cet été 2006.L'occupation israélienne ne s'arrête pas à la confiscation de la terre. Je me sens occupé dans ma poche de chemise. Ma carte d'identité "palestinienne" est délivrée par les autorités israéliennes. Elles contrôlent le registre de population civile palestinienne. Chaque naissance, chaque mort, chaque mariage, chaque déplacement en provenance ou vers l'étranger est contrôlé par Israel même à Gaza, malgré le désengagement.Naturellement, ils contrôlent l'eau, les routes et les déplacements de la population en Cisjordanie par des centaines de barrières et de checkpoints. Ils déracinent tous les arbres qu'ils estiment être sur leur route, ceux qui sont sur la route du Mur d'Apartheid qui trace son chemin dans la chair de notre terre, ou sur la route de leurs colons qui décident de se saisir d'un autre bout de terre ou d'une colline qui leur plait.Pourquoi les Israéliens s'attaquent-ils aux mariages mixtes des Palestiniens ? Maintenant en Palestine, avant de tomber amoureux, les gens se renseignent des identités des autres et d'où elles ont été émises. Ils ne veulent pas construire une vie qui risque d'être déchirée dès le début.Ghassan AbdullahConseiller en informatiqueRamallah, Cisjordanie, ‘Palestine’Email: Abdullah@palnet.com
06-12
4 Annexes
Ndlr : PS : La publication des articles ou analyse ne signifie nullement que la rédaction partage les analyses ou point de vue des auteurs, mais doit être vu comme information
4-1 Point de vue de James Abourezk* : À propos de votre étude sur Noam Chomsky
L’ancien sénateur des États-Unis, Jim Abourezk, réagit à la longue étude de Jeffrey Blankfort sur la pensée de Noam Chomsky, que nous avons publiée en épisode cet été. Il confirme par son témoignage l’analyse selon laquelle le soutien du Congrès à Israël ne sert pas les intérêts des États-Unis, mais répond aux pressions du lobby officiel pro-israélien.
Je viens de finir de lire votre critique des positions de Noam Chomsky. Jusqu’ici, je n’avais pas apporté d’attention particulière aux écrits de Chomsky, car j’avais toujours considéré que c’était quelqu’un d’honnête, et qu’il avait des positions appropriées sur le conflit arabo-israélien. En revanche, maintenant, venant d’apprendre que son hypothèse de départ serait qu’Israël ne ferait qu’appliquer les ordres des dirigeants impériaux des États-Unis, je suis d’accord avec vous : cette supposition est totalement fausse.
Mon expérience vécue me permet de vous dire que le soutien dont Israël jouit, en tous cas au Congrès, (ailleurs, je ne sais pas…) est entièrement dû à une peur politique – la peur de perdre les élections, qui habite quiconque ne voudrait pas que la volonté d’Israël soit faite. Je peux aussi vous dire que les membres du Congrès – tout au moins durant la période où j’y étais – qui en pincent sincèrement pour Israël ou pour son lobby se comptent sur les doigts d’une seule main… Ce que les parlementaires ressentent, au plus profond d’eux-mêmes, vis-à-vis d’Israël et de son lobby, c’est un insondable mépris. Mais ce mépris est étouffé par leur peur que leurs véritables sentiments ne soient percés au jour. Si vous saviez… j’ai surpris tellement de conversations de vestiaire, dans lesquelles des sénateurs exprimaient sans fard l’amertume que leur cause le fait d’être menés par le bout du nez par ce lobby… En privé, on peut entendre le dégoût que leur inspirent Israël et les manœuvres tacticiennes de son Lobby, mais aucun sénateur ne prendre jamais le risque de se mettre ce lobby à dos en rendant public ce qu’il pense réellement…
Aussi, je ne peux imaginer qu’il y ait, de la part de membres du Congrès, une quelconque volonté de promouvoir un quelconque rêve impérialiste états-unien en se servant d’Israël comme pitbull. Les seules exceptions à cette règle, ce sont les sentiments de membres juifs du Congrès, lesquels, à mon avis, sont sincères, dans les efforts qu’ils déploient afin que l’argent des États-Unis continue à se déverser à flots en Israël. Mais c’est une petite minorité, bien incapable de décider de la politique impériale des États-Unis…
Ensuite, ce lobby est très clair, dans ses efforts visant à éradiquer au sein du Congrès toute opposition à la politique de soutien inconditionnel d’Israël, qui va même souvent jusqu’à porter atteinte à d’autres budgets annuels de l’État. Quand bien même cette opposition se réduirait-elle à une seule voix, elle est attaquée – je le sais : cela m’est arrivé ! Pourquoi ? Eh bien parce que si le Congrès est totalement silencieux sur la question, la presse n’aura aucun sénateur dissident à citer : bonne manière, de surcroît, de museler totalement la presse ! Tous les journalistes ou éditeurs de journaux qui franchiraient la ligne jaune sont très rapidement ramenés dans le droit chemin par une pression économique extrêmement bien organisée à l’encontre du journal surpris en train de pécher.Il m’est arrivé d’effectuer un voyage d’études au Moyen-Orient. J’avais invité à m’accompagner un ami journaliste, qui travaillait pour des journaux du groupe Knight-Ridder. Il écrivait honnêtement sur ce qu’il voyait, en ce qui concerne les Palestiniens et la situation dans plusieurs pays limitrophes d’Israël. Mais les directeurs du quotidien St. Paul Pioneer reçurent des menaces de plusieurs de leurs principaux annonceurs publicitaires, l’avertissant qu’ils supprimeraient leurs insertions publicitaires au cas où ce journal continuerait à publier les articles de ce journaliste – leçon très vite assimilée par les responsables du quotidien...
En ce qui concerne les positions de plusieurs agences administratives sur la question d’Israël, il y a deux choses qui est susceptible de les ramener dans le « droit chemin » : la pression de membres du Congrès, qui transmettent la pression émanant des exigences de l’AIPAC [1], d’une part, et, d’autre part, le désir qui est celui du président des États-Unis et de ses conseillers de protéger leurs partis politiques respectifs de succomber à cette pression. Je n’ai pas souvenance d’une seule situation où une quelconque administration ait perçu le besoin que la puissance militaire d’Israël fasse la promotion d’intérêts impériaux états-uniens. En réalité, comme nous l’avons vu lors de la Guerre du Golfe, l’implication d’Israël a été au détriment de ce que Bush père voulait faire, dans cette guerre. Vous vous en souvenez sans doute : ils avaient dû supprimer toute contribution israélienne, aussi modeste eût-elle été, à la coalition, afin que celle-ci n’éclate pas…
Quant à l’argument selon lequel nous aurions besoin d’utiliser Israël comme base pour des opérations états-uniennes, je n’ai connaissance d’aucune base états-unienne de cette nature… Les États-Unis disposent de suffisamment de bases, et de flottes, militaires, dans la région, pour être à même de faire face à n’importe quel type de requête militaire, sans avoir besoin de faire appel à Israël. En fait, je ne vois pas une seule occasion où les États-Unis pourraient bien avoir besoin d’impliquer Israël militairement, de crainte de se mettre à dos leurs alliés actuels, comme, par exemple, l’Arabie Saoudite et les Émirats Arabes Unis… L’opinion publique de ces pays ne laisseraient pas leurs monarchies maintenir leur alliance avec les États-Unis, dès lors qu’Israël entrerait dans le jeu…
J’imagine qu’il est loisible d’imaginer que l’encouragement donné par Bush à Israël dans son agression militaire contre le Liban, cet été, aurait résulté de quelque impératif impérial, mais ce n’était, en réalité, qu’une simple extension de la politique traditionnelle états-unienne d’aide à Israël, sous l’effet de la pression incessante de son lobby. De fait, je n’ai entendu strictement aucune voix s’opposant à l’invasion du Liban par Israël, cet été (à l’exception du seul Chuck Hagel). Le Liban a toujours été un « pays à jeter », aux yeux du Congrès. Comprendre que quoi qu’il puisse bien s’y passer, cela n’a strictement aucun effet sur les intérêts états-uniens. A-t-on d’ailleurs jamais entendu parler d’un lobby libanais ? ! ? C’était déjà le cas, en 1982 : le Congrès est resté muet comme une carpe, au sujet de cette cuvée d’invasion israélienne du Liban…
Je pense qu’au fond du fond du cœur tant des membres du Congrès que des responsables des agences gouvernementales, ils préfèreraient ne pas avoir un Israël qui pourrit la vie aux responsables de la politique étrangère états-unienne – politique consistant pour l’essentiel à assurer l’écoulement régulier du pétrole en direction du monde occidental afin d’éviter une récession économique. Mais ce que font nos décideurs politiques, en réalité, consiste à juguler la pression que ce lobby exerce sur eux afin qu’ils soutiennent Israël, tout en dissuadant les pays pétroliers de couper le robinet du pétrole aux pays occidentaux. Jusqu’ici, ils y ont réussi. À l’exception du roi Fayçal et de son embargo pétrolier, il n’y a plus jamais eu de dirigeant saoudien capable de tenir tête à la politique des États-Unis.
Par conséquent, je pense que le désinvestissement, et en particulier la suppression des aides à Israël, aurait pour résultat immédiat la renonciation d’Israël à la Cisjordanie et à la bande de Gaza, au profit des Palestiniens. Une pression de cette nature, cela marcherait, je pense, car l’opinion publique israélienne serait tout à fait à même de comprendre la raison de ses difficultés, et elle exigerait qu’un accord de paix soit immédiatement conclu avec les Palestiniens. Cela marcherait, en raison de la démocratie israélienne ; on n’est pas dans la situation d’une dictature, dans laquelle l’opinion publique ne pourrait pratiquement rien faire pour changer l’attitude de ses dirigeants. Le principal objectif de ce lobby, c’est la continuité du flot d’argent qui se déverse du Trésor des États-Unis vers Israël. Pour cela, il lui faut un Congrès docile et une administration complaisante. Comme l’a dit un jour Willie Sutton : « C’est là qu’est le fric ! »
James AbourezkAncien sénateur démocrate du Dakota du Sud au Congrès des États-Unis (1973-1979). Fondateur de l’American-Arab Anti-Discrimination Committee.Traduction Marcel CharbonnierMembre de Tlaxcala, le réseau de traducteurs pour la diversité linguistique (transtlaxcala@yahoo.com).